Publié le 03 décembre 2018
NUMÉRIQUE
La France veut devenir leader de l’intelligence artificielle mais ne s'en donne pas les moyens
Le gouvernement a décidé de mettre 665 millions d’euros sur la table pour booster la recherche tricolore en matière d’intelligence artificielle. Un bel effort mais qui laisse la France loin derrière l’Allemagne, les États-Unis ou la Chine. Reste à espérer que le financement public amorce des forts investissements privés.

@DNAFilms
Il y a une nouvelle guerre froide à l’œuvre. Celle-ci n’engage pas les États-Unis face à l’URSS pour conquérir l’espace, mais les États-Unis face à la Chine pour maîtriser l’intelligence artificielle. Une course que la France a décidé de rejoindre, mais sans doute avec un peu de retard et pas assez de moyens.
"L'ambition de la France est claire, il s'agit de faire en sorte avec l'Allemagne, que l'Union européenne soit capable de rivaliser avec la Chine et les États-Unis", en matière d'intelligence artificielle, explique-t-on au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. "La France peut se positionner comme un acteur majeur dans les domaines où nous avons une certaine avance, à commencer par exemple par la santé : nous sommes l'un des pays au monde qui a les plus grandes bases de données, du fait de notre système centralisé", a indiqué Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur.
La stratégie nationale de recherche en intelligence artificielle prévoit 665 millions d'euros de dépenses jusqu'en 2022, en capitalisant sur la tradition française de recherche en mathématique. Cela comprend, entre autres, 200 millions d'euros dédiés aux "3IA", des centres interdisciplinaires appelés à devenir les vaisseaux amiraux de la recherche française. Les entreprises apporteront une centaine de millions d'euros supplémentaires.
20 fois plus aux États-Unis
Le gouvernement prévoit également une enveloppe de 115 millions d'euros pour investir dans les superordinateurs. Le laboratoire Idris du CNRS à Saclay en région parisienne verra ainsi entrer en fonction en 2019 un nouveau superordinateur, dont une partie des capacités sera réservée à l'intelligence artificielle. La machine aura au total une capacité de calcul de 10 petaflops (soit 10 millions de milliards d'opérations par seconde).
Quand bien même cette volonté du gouvernement à ne pas rater le virage technologique est louable, on peut craindre que l’effort ne soit pas à la hauteur. "Les États-Unis investissent (déjà) 20 fois plus par an, la Chine 25 fois plus. Alors certes cette comparaison n'est pas raison mais j'aimerais bien que l'on m'explique comment on peut rivaliser en investissant 20 à 25 fois moins", résume président du club des jeunes dirigeants financiers.
En effet, les chiffres ont de quoi faire un peu peur. Juste de l’autre côté du Rhin, mi-novembre, le gouvernement d’Angela Merkel a également annoncé son plan national. Le seul investissement fédéral se chiffre à 3 milliards d’euros d’ici 2025. Pour Peter Atmeir, ministre de l’Économie, "L'intelligence artificielle n'est pas une innovation de plus. C'est une innovation fondamentale qui va améliorer l'ensemble de nos économies et de nos vies".
La puissance de secteur privé
Aux États-Unis, le DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) a débloqué 2 milliards d’euros pour les projets en matière d’Intelligence artificielle, un programme baptisé "AI Next". Et ce n’est qu’une seule agence américaine parmi tant d’autres impliquées dans cette technologie. Sans compter que ce n’est qu’une petite somme comparée aux investissements privés, estimés à 300 milliards d’euros, engagés par Google, Microsoft, IBM et Apple.
Autres poids lourds du côté de Pékin. Par exemple, à elle, seule la startup chinoise Horizon Robotiques a levé 1 milliard de dollars, plus que l’ensemble du plan français. Mais surtout, le gouvernement veut mettre en place un cadre favorable pour que l’industrie de l’Intelligence artificielle chinoise pèse 150 milliards de dollars d’ici 2030.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin