Publié le 25 juin 2018

NUMÉRIQUE

Le bitcoin pourrait détruire Internet, craint la Banque des Règlements Internationaux

Énergivore, instable, frauduleux… La banque des règlements internationaux, la plus ancienne organisation financière internationale n’a pas de mot assez dur pour dénoncer le risque que font peser les monnaies virtuelles et en particulier le bitcoin sur le système financier. Mais dans son dernier rapport, elle juge même que c’est Internet en tant que tel qui est menacé.

Le Bitcoin consomme autant d'électricité aujourd'hui que la Suisse.
@Peshkova

La Banque des Règlements Internationaux (BRI), qui se définit comme la "banque des banques centrales", est très méfiante vis-à-vis des monnaies virtuelles, et en particulier du bitcoin. Dans son dernier rapport économique annuel, celle-ci ne mâche pas ses mots pour appeler à se méfier de cette monnaie. Elle y consacre 24 pages dans une rubrique intitulée "Bitcoin : voir au-delà du buzz".

La plus grande crainte de l’autorité est que, si une grande partie de la population finit par se tourner vers le bitcoin pour des opérations d’achats et de ventes, les besoins de stockage sur les réseaux deviendraient supérieurs à "celle des serveurs en quelques mois ". Mais surtout, se poserait la question de "la capacité de traitement (de ces opérations numériques) : seuls les superordinateurs peuvent suivre la vérification des transactions entrantes. Les volumes de données finiraient par paralyser Internet". Le réseau serait finalement submergé par le volume de données à traiter.

Incompatible avec le système financier

En plus de ce risque, la plus vieille organisation financière internationale juge que la volatilité de cette monnaie est "incompatible" avec le système financier, qui a besoin de stabilité. En 2017, le bitcoin a en effet pris 600 % avant de perdre 60 % début 2018. De plus, la BRI dénonce que les fluctuations de ces cours peuvent être le fruit de manipulations et de fraudes. Des chercheurs de l’université du Texas ont d’ailleurs mené une étude qui prouverait que la flambée récente des cours a été artificiellement provoquée.

Enfin, la BRI parle de "catastrophe environnementale" en raison des besoins énergétiques que ces monnaies virtuelles génèrent sur le réseau. Dans son rapport, l’institution calcule que déjà aujourd’hui "l'utilisation totale d'électricité pour  l'exploitation du bitcoin est égale à celle d’une économie de taille moyenne comme la Suisse".

Besoin de régulation

La BRI n’en est pas à sa première alerte sur le bitcoin. En février dernier, son président, Agustin Carstens, expliquait que cette crypto-monnaie "devient à la fois une bulle, un montage Ponzi (un montage financier frauduleux, ndr) et un désastre environnemental". Selon lui, l’utilisation du bitcoin pour de la spéculation et des activités illicites fait que "les banques centrales ne peuvent pas permettre à ces jetons numériques de s’appuyer sur la même infrastructure qui sert le système financier global et sur la confiance que celle-ci procure".

Des annonces qui font écho aux déclarations d’Emmanuel Macron et de Theresa May lors du dernier sommet de Davos en janvier 2018. Tous deux appelaient à plus de régulation. "Je suis favorable à ce que le FMI (Fonds Monétaire International) ait le mandat de surveiller la totalité du système financier international, dont des pans entiers échappent à la régulation. Comme le bitcoin, les crypto-monnaies ou le shadow banking", expliquait le Président français.

L’arrivée du trading haute fréquence

Sans attendre, plusieurs banques ont décidé de mettre quelques garde-fous sur le bitcoin. Ainsi, on a vu JPMorgan, Bank of America, Citigroup et Lloyds Banking Group interdire à leurs clients l’achat à crédit de crypto-monnaies. Elles ont jugé que l’attrait de ces monnaies, en raison de leur volatilité, exposait trop à des risques de surendettement.

Mais, dans le même temps, on voit le trading haute fréquence (THF) venir s’emparer des crypto-monnaies. Le THF permet, de manière automatique grâce à des algorithmes, de réaliser des millions d’opérations à la seconde. La volatilité de ces monnaies en fait un terrain de jeu idéal, alors que ce marché a atteint une taille critique en 2017. Les Echos révèlent que c’est la place financière de Chicago qui est en train de devenir référence sur ce sujet et que les spécialistes du THF, comme DV Trading XR Trading ou DRW, ont créé des filiales dédiées.

Ludovic Dupin @LudovicDupin


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