Le Bitcoin fête aujourd’hui ces 10 ans. Mais si la sphère économique et financière commence à s’en emparer, cela était loin d’être évident à ses débuts. La cryptomonnaie est en effet apparue en réaction au système financier traditionnel, au moment où celui-ci connaissait l’une des plus graves crises de son histoire, en 2008.

Avec le Bitcoin, son inventeur, connu seulement par son pseudonyme Satoshi Nakamoto, a voulu contourner les institutions financières, en utilisant un système de registre décentralisé, la fameuse "blockchain", afin "d'effectuer des paiements en ligne directement d'un tiers à un autre".

Jusqu'à 19 511 dollars

Cette ambition est nourrie par la faillite de la banque Lehman Brothers, survenue un mois plus tôt le 15 septembre 2008. Celle-ci a jeté le discrédit sur les "monnaies traditionnelles où une petite élite de banquiers s'enrichit beaucoup, établit les règles monétaires et les impose à tout le monde", souligne Pierre Noizat, qui a fondé la première plateforme française d'échange de Bitcoins en 2011.

Après sa création, le Bitcoin évolue pendant plusieurs années hors des radars du grand public, n'intéressant que les geeks ou les blanchisseurs d'argent sale. Sa valeur financière est faible. Puis en 2013, il dépasse les 1 000 dollars et commence progressivement à attirer l’attention.

Malgré le piratage de l’une des plus importantes plateformes d’échange (MtGox), des entrepreneurs, commerçants et financiers l’intègrent dans leurs produits ou services. En 2017, la valeur du Bitcoin s’envole à plus de 19 500 dollars avant de redescendre à un tiers de sa valeur quelques semaines plus tard. Une volatilité intrinsèque au fonctionnement de la monnaie virtuelle.

Des nouveaux produits financiers basés sur le Bitcoin

Le Bitcoin voulait initialement contourner le système financier mais lui et ses avatars finissent par s’y intégrer de plus en plus. Certes, des institutions financières, comme la Banque centrale européenne, restent très prudentes sur l’avenir de cette cryptomonnaie, mais d’autres y voient un fort potentiel. En France, l’Autorité des marchés financiers (AMF) travaille ainsi à un agrément pour garantir la solidité des levées de fonds en cryptomonnaies (ICO) qui connaissent un succès grandissant, partout dans le monde.

De nouveaux produits financiers basés sur le Bitcoin ou autres cryptomonnaies font également leur apparition. Fin 2017, des plateformes boursières ayant pignon sur rue, comme le Chicago board options exchange (Cboe), ont ainsi proposé des contrats à terme en Bitcoin, lui apportant un nouveau degré de légitimité. Et des fonds d'investissement, comme Swissborg, proposent par exemple des portefeuilles d'actifs basés uniquement sur la blockchain.

Bientôt du Bitcoin à Wall Street

Les grandes banques de Wall Street sont plus réservées. Goldman Sachs ne propose pas encore ses propres produits liés au Bitcoin. Quant au patron de JPMorgan Chase, il s’est à plusieurs fois montré sceptique sur le potentiel de la cryptomonnaie. En 2017, il qualifiait même cette monnaie de "fraude".

Pourtant les investisseurs les plus convaincus attendent avec impatience la création d'un fonds indiciel adossé aux Bitcoins, qui répliquerait fidèlement les évolutions de la devise virtuelle. Celle-ci doperait les investissements, espèrent-ils. Mais il leur faut l'aval du gendarme de la Securities and Exchange Commission (SEC) qui doit rendre très prochainement un avis sur le sujet.

Le gendarme américain des marchés financiers traîne pourtant des pieds. À chaque nouvelle demande, la SEC souligne que le Bitcoin est échangé sur des plateformes pour la plupart non régulées, et est à ce titre susceptible d'être manipulé, avec un fort risque de bulle.

Béatrice Héraud avec AFP