Publié le 17 septembre 2019
INFOGRAPHIES & VIDÉOS
[Infographie] L’orpaillage illégal, qui menace l’Amazonie, ne baisse pas malgré la multiplication des projets industriels
Le Grand conseil des Amérindiens de Guyane a dénoncé l’hypocrisie de la France sur l’Amazonie. Il accuse le gouvernement de favoriser l’extractivisme (l'exploitation massive des ressources) en accordant des permis à de grandes multinationales minières. Pour l’État, la promotion des sites aurifères industriels est le meilleur moyen de lutter contre l’orpaillage illégal, et de préserver in fine l'Amazonie. Un argument qui ne semble pas se vérifier sur le terrain.

@Compagnie minière Montagne d'Or
"Nous sommes Amazoniens", avait lancé Emmanuel Macron, fin août, en référence à la Guyane, région d’outre-mer française recouverte à plus de 95 % de forêts, dont une partie est amazonienne. Face aux méga-feux qui ravagent le poumon vert de la planète, le chef de l’État avait appelé à la mobilisation. Une "hypocrisie" qu’a tout de suite dénoncé le Grand conseil coutumier des peuples amérindien et bushinengé de Guyane.
360 000 hectares de forêt aux multinationales minières
"Le feu n’est pas le seul danger qui menace ou qui détruit l’Amazonie. L’extractivisme a sa grande part de responsabilité. Et nous sommes dans l’étonnement face au positionnement du Président Emmanuel Macron qui consiste à dénoncer la destruction de l’Amazonie brésilienne ou bolivienne mais qui parallèlement attribue 360 000 hectares de forêt aux multinationales minières, en Guyane, en Amazonie française", a écrit le Grand conseil dans une tribune publiée sur France Info. Selon l’Office national des forêts, depuis 2003, 29 000 hectares de forêt ont été détruits par l’orpaillage légal ou illégal.
Si le projet de la Montagne d’or a été suspendu, une vingtaine de permis ont été accordés ou renouvelés en Guyane depuis 2015. Fin juillet, un permis de recherche a encore été accordé à Sand Ressources pour une durée de cinq ans sur 5 000 hectares. "Le gouvernement continue d'organiser la grande braderie de la forêt amazonienne", réagit le collectif Or de Question. Pour l’État, le développement de sites légaux est avant tout un moyen de lutter contre l’orpaillage illégal, véritable fléau pour les Guyanais.
Les projets industriels ne ciblent pas le même or que les orpailleurs illégaux
L’argument a plusieurs fois été repris pour justifier notamment du projet de la Montagne d’or. Le rapport Cyclope, rédigé par des experts et universitaires indépendants, et remis en juin 2018 à la Collectivité Territoriale de Guyane, précise ainsi que le projet doit être "vu comme un outil permettant de lutter contre l’orpaillage illégal si des outils de traçabilité de l’or sont développés". "La mine industrielle semble, d’un point de vue économique et environnemental, être la voie d’avenir du secteur aurifère", notent les auteurs.
Une analyse qui ne se vérifie pas forcément sur le terrain. "C’est une fausse piste !", juge Laurent Kelle, responsable du WWF France en Guyane. "Les projets industriels sont localisés et exploitent de l’or en profondeur. Les sites illégaux, à l’inverse, sont présents sur tous les bassins-versants de Guyane et se concentrent davantage sur l’or alluvionnaire (en surface). Les deux cibles sont donc complètement différentes. Pire encore, une fois les exploitations industrielles arrêtées, les clandestins réinvestissent les sites pour extraire l’or disséminé sur les chantiers."
"Plus que les grandes multinationales, ce sont plutôt les artisans ou les petites PME qui sont en concurrence directe avec les orpailleurs illégaux car ils doivent respecter un cadre réglementaire justifié mais contraignant", abonde le géographe François-Michel Le Tourneau, qui travaille sur le sujet depuis trois ans. "Les orpailleurs illégaux font une sorte de dumping car ils ne respectent aucune des normes sociales et environnementales qui pèsent sur les artisans légaux. Leur organisation est très souple, ce qui leur permet de se réinstaller très rapidement et dans des zones difficiles d’accès malgré la forte pression exercée par les autorités."
Pour les deux spécialistes, le meilleur moyen de lutter contre l’orpaillage illégal reste de maintenir la pression avec les forces armées de l’opération Harpie et de coopérer avec les pays voisins, et notamment le Brésil, pour que les candidats au trafic soient moins nombreux. Un engagement difficile à l’heure où les relations entre la France et le Brésil sont particulièrement tendues.
Concepcion Alvarez, @conce1