Publié le 20 mars 2019
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
PhiTrust demande à Yannick Bolloré de quitter le conseil de surveillance de Vivendi
[Actualisé le 27 mars 2019] La société de gestion PhiTrust, actionnaire minoritaire de Vivendi, a demandé mercredi la révocation du président du conseil de surveillance de Vivendi, Yannick Bolloré, arguant d'un problème de gouvernance à la tête du groupe. Faute de réunir le capital nécessaire, la résolution ne sera finalement pas proposée à l'assemblée générale du groupe.

@vivendi
Très critique sur la gouvernance de Vivendi, PhiTrust a décidé de passer à l’action. En tant qu’actionnaire actif sur les questions ESG (environnement, social et gouvernance), la société de gestion demande que le départ de Yannick Bolloré du conseil de surveillance soit inscrit à l'ordre du jour de la prochaine Assemblée générale du groupe, le 15 avril prochain. Le motif : un manquement aux "principes de base de la gouvernance".
Une organisation de gouvernance "non satisfaisante"
"Dans une structure de gouvernance duale à conseil de surveillance et directoire (ce qui est le cas pour cinq entreprises du CAC40 comme Peugeot ou Hermès, ndlr), la place des grands actionnaires est de siéger au conseil de surveillance et la place des dirigeants opérationnels est d'être membres du directoire", détaille PhiTrust dans un communiqué. Or, Yannick Bolloré est à la fois président du conseil de surveillance de Vivendi et PDG d'Havas, filiale à plus de 95% de Vivendi. Il a donc "la responsabilité de ‘surveiller’ le directoire de Vivendi auquel il doit lui-même rendre des comptes", alerte la société de gestion.
Cette configuration "n'est pas de nature à porter atteinte à l'équilibre des pouvoirs ni à la bonne conduite des affaires, assure cependant une porte-parole du groupe Bolloré interrogée par l’AFP. Depuis sa nomination au conseil de surveillance, Yannick Bolloré a déjà démontré ses compétences, son expérience et sa parfaite connaissance des activités du groupe et son plein engagement au bénéfice de l'entreprise et de l'ensemble des actionnaires", souligne-t-elle.
La nécessité d’une gouvernance "équilibrée"
A ceux qui y verrait une attaque sur la place de la famille Bolloré dans la gestion de l’entreprise, PhiTrust assure que là n’est pas la question. "Il pourrait très bien être remplacé par son frère Cyrille, qui vient de remplacer son père en tant que PDG du groupe, cela ne nous poserait aucun problème", souligne Paul Marouze de PhiTrust.
Pour la société de gestion, il s’agit avant tout d’assurer "une gouvernance équilibrée qui fasse la place aux actionnaires minoritaires et réajuste les pouvoirs de décision et de contrôle". D’autant que Vivendi est passée sous "le contrôle de fait du groupe Bolloré" avec 28,51% des droits de vote. Un contrôle qui devrait augmenter après l’ouverture du capital de la branche Universal Music qui permettrait au groupe Bolloré de racheter des actions de Vivendi.
Une résolution non acquise
Pour que la résolution visant "à mettre fin par anticipation au mandat de membre du conseil de surveillance de Yannick Bolloré", soit inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 15 avril, il lui faudra réunir au plus tard le 21 mars 2019, 0,50 % du capital de la société, soit 6,6 millions d'actions.
Ce seuil n’est pas acquis. De fait, ce sont les actionnaires eux-mêmes qui ont validé Yannick Bolloré en tant que membre et président du conseil de surveillance de Vivendi lors de l’assemblée générale d’avril 2018. Il avait alors remplacé son père, Vincent Bolloré, qui avait annoncé se défaire de tous ses mandats d’ici ses 70 ans, mais aussi mis en examen trois jours plus tard pour corruption, complicité d'abus de confiance et faux et usage de faux dans la gestion des ports de Conakry (Guinée) et de Lomé (Togo).
Ce n’est pas la première fois que la gouvernance de Vivendi est mise en cause, et pas seulement par PhiTrust, rappelle le journal Les Echos. Déjà en 2016, "le gendarme de la gouvernance, le HCGE (Haut comité du gouvernement d’entreprises, ndr) avait reproché à Vincent Bolloré d'intervenir dans la gestion opérationnelle de Vivendi, alors qu'il n'était que président du conseil de surveillance", précise-t-il. La même année, "l'Autorité des marchés financiers (AMF) avait noté que Vivendi et Bolloré ne se conformaient pas aux dispositions du code Afep-Medef" an matière de cumul des mandats. Vincent Bolloré, PDG du groupe Bolloré et président du conseil de surveillance de Vivendi détenait alors 13 mandats d’administrateur dans des sociétés cotées.
Faute de réunir le capital nécessaire, et malgré la mobilisation de grands investisseurs institutionnels, la résolution ne sera finalement pas proposée à l'assemblée générale du groupe.
Béatrice Héraud avec AFP