Publié le 01 juillet 2020
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Déficit, licenciements, électrification, valorisation : les quatre défis de Luca de Meo, nouveau pilote de Renault
Souhaitons à Luca de Meo d’avoir de larges épaules car son travail s’annonce considérable. Il devient aujourd’hui directeur général de Renault, fleuron automobile français qui n’a jamais été aussi mal en point. Depuis 18 mois, le groupe a connu les aventures romanesques de Carlos Ghosn, les premières pertes de son histoire, un marché en hibernation. Il devra faire feu de tout bois pour rétablir la gouvernance, repenser la gamme, garder la paix sociale et rassurer les investisseurs.

@Renault
Luca de Meo, le nouveau directeur général de Renault, entre officiellement en fonction ce 1er juillet. L’ex-dirigeant de Seat va devoir sauver le groupe français en grande difficulté. L’entreprise a connu la première perte de son histoire en 2019, à -141 millions d’euros, et un recul de 3,4 % de son volume de ventes. Alors qu’un grand plan d’économie et de réduction des effectifs est en cours, le Milanais, passé par Toyota et Volkswagen, va devoir retrouver la stabilité perdue depuis la fin de l’ère Ghosn en 2018. Lors de l’Assemblée générale en juin 2020, Jean-Dominique Senard, Président de Renault, assurait que "la marge de manœuvre de Luca de Meo (pour définir la stratégie du groupe) sera extraordinairement large et le conseil d'administration supportera sa vision".
1 - Redonner une gouvernance stable et exemplaire à Renault
S’imposer comme chef incontesté stable et durable ne sera pas facile tant les salariés ont été bousculés ces dernières années. Depuis l’arrestation de Carlos Ghosn en novembre 2018 au Japon et sa démission en janvier 2019, le groupe ne connaît plus de direction stable. En 2019 sont nommés le tandem Jean-Dominique Senard à la présidence et Thierry Bolloré à la direction générale. Mais dès octobre, le conseil d’administration remercie le directeur général avec l’aval de l’État. Depuis, Clotilde Delbos, directrice financière, assure l’intérim dans un contexte difficile. C’est elle qui a dû traverser la crise du Covid-19 et qui a dû annoncer le plan social à venir.
En matière de gouvernance, le patron italien pourrait affronter rapidement un premier obstacle : son salaire. Luca de Meo va toucher un salaire plus élevé que celui de Carlos Ghosn, soit 1,3 million d’euros, auxquels devrait s’ajouter une part variable correspondant à 150 % du fixe annuel, soit près de 2 millions d’euros, et une rémunération en actions pouvant aller jusqu’à 75 000 actions par an.
2 - Continuer d’électrifier la gamme
Impossible de passer à côté de la réduction des émissions de CO2 de la gamme. Le nouveau directeur général va devoir poursuivre l’électrification des véhicules s’il veut être conforme aux normes édictées par la Commission européenne. Lors de l’Assemblée générale du groupe, Clotilde Delbos assurait que Renault tiendrait l’objectif de 95 grammes de CO2 par km d’ici la fin de l’année, grâce à l’arrivée de nouveaux modèles hybrides.
Mais la partie n’est pas gagnée, l’Union européenne prévoyant de réduire encore le seuil d’émission autorisé. Luca de Meo devra donc poursuivre l’effort de transformation de la gamme et du modèle économique, et réussir à convaincre les clients de passer à l’électrique en trouvant des solutions innovantes. Renault vient justement de lancer la société Elexent, avec un spécialiste des infrastructures de recharge, pour proposer des solutions de mobilité électrique clé en main aux entreprises.
3 - Mettre en œuvre le plan d’économie
Sans en avoir été décideur, le nouveau dirigeant du groupe va devoir mettre en œuvre un plan de 2 milliards d’euros d’économies. Les grandes lignes ont été tracées par Clotilde Delbos, avec 15 000 suppressions de postes dans le monde, dont 4 600 en France, des fermetures d’usines et une réduction de la production de 5,5 millions à moins de 4 millions d’unités par an. Luca de Meo bénéficiera d’une certaine marge de manœuvre sur ce plan d’économie, selon Jean-Dominique Senard, président du groupe.
"Le plan d’économie est pour moi un pas essentiel vers le redressement de Renault", a déclaré Luca de Meo lors de la dernière Assemblée générale. Reste qu’il devra ménager l’État, qui lui a octroyé un prêt de 5 milliards d’euros. Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie ne s’opposera pas au plan, mais il sera, forcément, vigilant sur la question de l’emploi. Jean-Dominique Senard, de son côté, a insisté sur le fait qu’il ne voulait pas qu’il y ait "de souffrance sociale".
4 - Retourner l’entreprise
Les actionnaires de Renault attendent beaucoup de ce nouveau dirigeant. Le cours de Bourse n’a cessé de dégringoler depuis deux ans, il est passé de près de 99 euros en mars 2018 à moins de 25 euros en juin 2020. Luca de Meo se veut donc rassurant. Il a certifié aux actionnaires qu’il ferait "de Renault l’une des meilleures surprises de retournement de votre portefeuille. Je vous demande seulement de nous accorder du temps." Le mot retournement n’est sans doute pas choisi au hasard, étant donné sa forte connotation en matière financière. Le retournement consiste pour un investisseur à racheter une entreprise en mauvaise passe, rebâtir son modèle économique, pour la revendre avec un profit élevé.
Arnaud Dumas, @ADumas5 et Ludovic Dupin @LudovicDupin