Publié le 20 novembre 2023
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Crise inédite chez le géant OpenAI : le cofondateur limogé atterrit chez Microsoft, les salariés menacent de le rejoindre
C’est du jamais vu dans la Silicon Valley. Sam Altman, cofondateur d’OpenAI, a été débarqué par le conseil d’administration de son entreprise vendredi 17 novembre. Après un week-end de tractations, l’ex-numéro 1 atterrit finalement chez Microsoft, principal actionnaire d’OpenAI, mécontent de son éviction. Et ce n’est pas le seul : 70% des salariés menacent de démissionner. En toile de fond, une guerre idéologique sur l’intelligence artificielle.

ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP
Les commentateurs de la planète tech ont sorti les pop-corn ce week-end. Sous leurs yeux ébahis s’est déroulé un film au suspense intenable dont, à l’heure actuelle, nous ne connaissons toujours pas la fin. Tout a commencé le vendredi 17 novembre lorsque le conseil d’administration (CA) d’OpenAI, société à l’origine de ChatGPT, a annoncé le renvoi avec effet immédiat de Sam Altman, cofondateur de l’entreprise. Dans une note, le CA a indiqué laconiquement que l’ex-numéro 1 d’OpenAI "n’était pas toujours franc dans ses communications" avec le conseil d’administration.
Si les raisons de son éviction semblent encore floues, en toile de fond se joue une véritable guerre idéologique. D’un côté le mouvement Effective Altruism, baptisé EA, qui vise à "agir et réguler pour faire le "bien" dans le monde, quitte à freiner l’avancée technologique", comme le rapporte sur LinkedIn le spécialiste Thibault Louis. De l’autre, l’Effective Accelerationism abrégé en e/acc : "Courant techno-enthousiaste qui vise à aller le plus vite possible en technologie et embrasser les changements en s'y adaptant", souligne l’expert.
Quand OpenAI était une association à but non lucratif
Au moins trois membres du board, Tasha McCauley, Helen Toner et Adam D'Angelo sont proches du mouvement EA et ont déjà alarmé sur les dérives de l’IA qui pourrait conduire à l’extinction de l’humanité. Au contraire, Sam Altman, le patron déchu, pousse au développement effréné de l’IA (avec quelques garde-fous). C’est d’ailleurs lui qui a poussé à ce qu’OpenAI, à l’origine une association à but non lucratif, se transforme en entreprise. Il a récemment fait monter Microsoft au capital, ce dernier détenant 49% d’OpenAI. Le géant a investi 13 milliards de dollars dans la startup, d’où sa colère d’apprendre une minute avant -littéralement- l’éviction de Sam Altman, le chouchou de la Silicon Valley, perçu comme le nouveau Steve Jobs.
Après avoir tracté tout le week-end pour que Sam Altman reprenne ses fonctions, le DG de Microsoft a annoncé ce lundi 20 novembre au matin un nouveau rebondissement : "Nous sommes extrêmement heureux d’annoncer que Sam Altman et Greg Brockman (tous deux cofondateurs d’OpenAI, NDR), ainsi que leurs collègues, rejoindront Microsoft pour diriger une nouvelle équipe de recherche avancée sur l’IA". Et "leurs collègues" pourraient être plus nombreux que les membres du CA d’OpenAI ne le pensent.
We remain committed to our partnership with OpenAI and have confidence in our product roadmap, our ability to continue to innovate with everything we announced at Microsoft Ignite, and in continuing to support our customers and partners. We look forward to getting to know Emmett…
— Satya Nadella (@satyanadella) November 20, 2023
Le soutien massif des salariés à Sam Altman
Dans une lettre publiée par le site Wired lundi après-midi, plus de 500 employés -sur 700- d’OpenAI, menacent de rejoindre Microsoft si le conseil d’administration ne démissionne pas et ne reconduit pas Sam Altman. "Vos actions ont montré clairement que vous êtes incapable de superviser OpenAI. Nous sommes incapables de travailler pour ou avec des personnes qui manquent de compétence, de jugement et de souci pour notre mission et nos employés", écrivent les signataires. "Nous, soussignés, pouvons choisir de démissionner d'OpenAI et de rejoindre la filiale Microsoft nouvellement annoncée, dirigée par Sam Altman et Greg Brockman. Microsoft nous a assuré qu'il y aurait des postes pour tous les employés d'OpenAI dans cette nouvelle filiale si nous choisissions d'y adhérer."
Le conseil d’administration n’a pour l’instant pas réagi mais devra sûrement se positionner dans les heures à venir. Rappelons, comme l’indique le New York Times, qu’en 2020, un groupe d’employés avait déjà démissionné d’OpenAI craignant que l’entreprise ne devienne trop commerciale. Ils avaient rejoint le laboratoire Anthropic. Sam Altman, lui, s’est toujours défini comme un "centriste" de l’IA.