Publié le 11 octobre 2019
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Avec le départ de Thierry Bolloré, Renault veut tourner la page Ghosn
Renault a entamé une réflexion "sur la gouvernance du groupe" en réunissant en urgence un conseil d’administration vendredi 11 octobre. Derrière cette réunion de dernière minute, l’objectif était de révoquer le directeur général du groupe Thierry Bolloré, un geste destiné à tirer un trait sur l'ère Carlos Ghosn, auquel il était fortement associé. L'actuelle directrice financière de Renault, Clotilde Delbos, va assurer l'intérim.

@AFP
Thierry Bolloré pensait avoir un peu plus de temps. Mais le couperet est tombé aujourd’hui, à la suite d’une réunion du conseil d’administration convoquée en urgence "afin de se prononcer sur la gouvernance du groupe". Le directeur général du groupe Renault, qui avait assuré l’intérim au plus fort de l’affaire Ghosn et constituait depuis le début de l’année le nouveau duo de tête avec Jean Dominique Senard, a été révoqué.
Une surprise pour le directeur général qui s’est fendu d’une interview dans le journal Les Echos avant même la prise de décision du conseil d’administration en dénonçant "un coup de force inquiétant" et brutal. "Il est très rare de se trouver dans cette position", confirme Loïc Dessaint, directeur général de Proxinvest, bon connaisseur de la gouvernance du groupe automobile. "Normalement, cela se fait plus en douceur, à coup de parachute doré… Là, on a clairement l’impression que la succession n’avait pas anticipé, ce qui pose la question de savoir ce qui se cache derrière cette révocation".
Une décision soutenue par l'État actionnaire
Si ce sont les mauvaises performances de la marque, que dirige Thierry Bolloré depuis 2018 qui sont mises en avant par Renault, pour Thierry Bolloré, "La seule chose que l'on me reproche peut-être, c'est d'avoir été nommé directeur-général adjoint début 2018, sur proposition de Carlos Ghosn, à l'unanimité du conseil". Et de fait, il s’agit sans doute pour le constructeur d’une façon de tourner la page de l'ère Carlos Ghosn, son ancien PDG déchu, qui attend son procès au Japon où il a été mis en examen et assigné à résidence pour de multiples malversations présumées.
Mais pourquoi si vite ? Les mauvaises performances de Renault sont celles du secteur. "Plusieurs audits ont été lancés pour éclairer l’affaire Ghosn. Qu’est-ce que Thierry Bolloré savait ou ne savait pas, a dit ou n’a pas dit… Cela peut peser dans la balance… Tout comme le départ, un peu surprise, de plusieurs dirigeants du Top management vers la concurrence. On sait aussi que les Japonais de Nissan avaient une certaine distance avec Thierry Bolloré", souligne Loïc Dessaint. Le départ du DG intervient en effet alors qu'un renouvellement du management du partenaire japonais Nissan, dont Renault détient 43 %, a été décidé cette semaine pour écarter les principaux dirigeants de l'ère Ghosn. Enfin, élément à ne pas négliger, l’entendre entre le Président, Jean-Dominique Senard, et le directeur général. "Quand il y a une gouvernance dissociée, le binôme doit bien s’entendre", souligne-t-il.
Difficile de savoir à ce stade quelle raison a poussé ce départ précipité. L’État, actionnaire minoritaire mais de poids, a toujours soutenu le président de Renault depuis sa nomination. Interpellé par Thierry Bolloré pour se porter "garant des règles de gouvernance", le ministère de l’Économie a déclaré faire "confiance à Jean-Dominique Senard". Clotilde Delbos, la directrice financière de Renault, assurera l’intérim, avant le recrutement d’un nouveau numéro deux.
Béatrice Héraud @beatriceheraud