Publié le 29 juin 2017
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Rwanda : BNP Paribas accusée de complicité de génocide
Trois ONG dont Sherpa ont déposé une plainte mercredi 28 juin contre la banque française pour complicité "de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre". BNP Paribas est soupçonnée d'avoir facilité l'achat illégal d'armes au profit des Hutu en plein génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994. Elle serait la seule banque à avoir accepté ce transfert d'argent.

Alexander Joe / AFP
C'est une plainte inédite qui a été déposée mercredi 28 juin contre BNP Paribas pour "complicité de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre" par les associations Sherpa, le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR) et Ibuka France. Selon elles, la banque aurait financé un achat d’armes au profit du gouvernement Hutu en juin 1994, en plein génocide des Tutsi et en violation d'un embargo des Nations-Unies. La BNP aurait été la seule banque à accepter ce transfert de fonds.
Cette accusation s’appuie sur les nombreux témoignages délivrés lors d’audiences du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et dans des rapports de la commission d’enquête internationale de l’ONU sur le Rwanda ou d’ONG comme Human Rights Watch.
80 tonnes d'armes
Le 17 juin 1994, Petrus Willem Ehlers, un courtier d’armes sud-africain se serait rendu avec un colonel Hutu - actuellement en prison - aux Seychelles pour conclure la vente de quatre-vingt tonnes d’armes pour un montant de 1,3 million de dollars. Cette somme a été débloquée par la BNP pour le compte de sa cliente, la Banque nationale du Rwanda (BNR), et versée sur le compte suisse de M. Ehlers. Les armes, officiellement achetées au profit de l’ex-Zaïre (République Démocratique du Congo), auraient en fait été acheminées à Gisenyi au Rwanda, via Goma, et auraient servi aux forces de Kigali.
Le déblocage d’une telle somme avait été refusé, quelques jours auparavant, par différents établissements financiers, dont la Banque Bruxelles Lambert (BBL), afin de ne pas violer l’embargo onusien. D’après le témoignage du détaché de la BBL au Rwanda, le milieu bancaire, qui avait déjà l’obligation de se renseigner auprès de leur client sur la destination des fonds en cas de circonstances inhabituelles, savait que "le gouvernement rwandais avait un besoin crucial d’argent. […] Il était évident pour tout le monde qu’ils devaient acheter des armes et munitions. Le Rwanda était sous embargo", explique Sherpa dans un communiqué.
Une première
La plainte déposée par les ONG repose ainsi sur la notion de "complicité" de BNP Paribas dans le génocide rwandais. C’est la première fois qu’une plainte est déposée sur ce fondement contre une banque en France. Contactée par Novethic, BNP ne souhaite pour l'instant pas commenter l'affaire. "Nous apprenons par voie médiatique le dépôt d'une plainte. A l'heure actuelle, nous ne disposons pas des éléments suffisants la concernant pour être en mesure de la commenter" explique le groupe.
"Si les faits étaient avérés, elle permettrait de mettre en lumière la responsabilité des investisseurs dans les conflits armés, et plus largement dans de graves violations de droits humains", conclut Sherpa. L'ONG est également à l'origine d'une plainte contre Lafarge pour financement du terrorisme en Syrie. La loi sur le devoir de vigilance adoptée en février dernier devrait permettre d’éviter de telles violations à l'avenir.
Concepcion Alvarez @conce1