Publié le 12 septembre 2022
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
À Polytechnique, la fronde des diplômés contre l’implantation de LVMH sur le campus
Après avoir manifesté contre l'implantation de TotalEnergies au sein de leur campus, d’anciens élèves de Polytechnique ciblent désormais LVMH. Le numéro 1 mondial du luxe voudrait y installer un centre de recherche dédié au "luxe durable et digital". Du greenwashing pour ses opposants qui appellent le conseil d'administration à rejeter cette proposition.

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"Nous, polytechniciennes et polytechniciens, ne voulons pas de LVMH sur notre campus". Le jeudi 8 septembre, plus de 70 diplômés de l’école Polytechnique ont publié une tribune dans Le Monde pour s’opposer au "projet délétère" du géant du luxe. Ce dernier prévoit en effet d’implanter un centre de recherche sur le campus de l’école. En juillet dernier, dans un communiqué de presse, LVMH avait ainsi annoncé vouloir créer un "centre de recherche mondial dédié au luxe durable et digital". Et de préciser : il "regroupera à terme 300 collaborateurs et chercheurs qui travailleront sur le luxe et la protection de la planète". Mais ces volontés écologiques sonnent comme du greenwashing pour les signataires de la tribune.
"Le grand bénéficiaire de cette opération d’implantation à Saclay (Essonne) serait sans aucun doute LVMH, qui pourrait cimenter une respectabilité factice sur la question environnementale et sécuriser un accès privilégié aux élèves du campus, tandis que les retombées du côté de l’école seraient extrêmement maigres, tant sur le plan financier que scientifique", écrivent les polytechniciens.
"Une incompatibilité avec la transition écologique"
Ces derniers appellent donc les administratrices et administrateurs de l'école à "refuser ce projet" à l'occasion du conseil d'administration exceptionnel qui doit, selon les signataires, se tenir fin octobre 2022. Dans une enquête publiée par Mediapart, le journal affirme par ailleurs qu’il serait difficile pour l'X de refuser cette implantation alors que Bernard Arnault, PDG du numéro 1 mondial du luxe, a donné 30 millions d’euros pour la rénovation de la "boîte à claque", un bâtiment occupé par Polytechnique dans le centre de Paris.
"Est-ce qu’on a vraiment envie de développer des innovations qui ne vont profiter qu’à 1 % de la population, qui poussent à la surconsommation et qui ne respectent pas les limites planétaires ?", interroge Benoit Halgand, signataire de la tribune. "Les étudiants actuels ont un devoir de réserve donc nous, les anciens, on prend le relais", précise celui qui s’était aussi positionné contre l'implantation de TotalEnergies sur ce campus.
En janvier 2022, le géant français de l'énergie avait en effet renoncé à implanter un pôle Recherche et Développement à proximité du campus, après la fronde des élèves et des ONG. TotalEnergies avait alors invoqué le "retard" pris sur le calendrier initial et les "recours" qui promettaient de retarder sa construction. La mobilisation avait porté ses fruits, mais sera-t-elle aussi forte pour LVMH, moins symbolique que le pétrolier ? "Il est plus simple de comprendre l’incompatibilité de TotalEnergies avec la transition écologique mais aujourd’hui le mode de vie des élites avec les jets privés, les piscines, sont de plus en plus critiqués", avance Benoit Halgand.
Contacté par Novethic, LVMH n'a pas souhaité faire de déclaration officielle mais une source proche du dossier affirme que le centre ne sera pas situé au sein du campus de Polytechnique mais sur le plateau de Saclay. Il rappelle par ailleurs que plusieurs personnalités soutiennent le projet tel que l'ancien directeur général de l'école et aujourd'hui délégué général de l'association des anciens élèves et diplômés, Yves Demay.
La rédaction avec AFP