Publié le 09 mars 2020
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Jusqu'à 3000 fois le salaire médian dans leur entreprise : découvrez le palmarès des dirigeants américains surpayés
De nombreux dirigeants de grands groupes américains continuent d’être surpayés par rapport aux performances de leurs entreprises. L’ONG As You Sow publie son classement des 100 patrons trop payés et constate des trop perçus records, la palme revenant aux dirigeants d’Oracle, à plus de 216 millions d’euros. De plus en plus d’investisseurs s’opposent à ces rémunérations faramineuses mais, pour l’instant, les résultats se font attendre.

@Disney
Les patrons de grands groupes américains continuent de se verser de généreuses rémunérations. L’ONG As You Sow vient de publier son classement annuel des 100 PDG américains surpayés. "On continue de voir les mêmes noms dans cette liste encore et encore", déplore Rosanna Landis Weaver, directrice du programme sur les rémunérations d’As You Sow. Pourtant, les entreprises ne changent toujours pas suffisamment leurs pratiques
Cette année, ce sont Mark Hurd et Safra Catz, les deux dirigeants de l’entreprise d’informatique Oracle qui arrivent en première position avec un salaire de plus de 216 millions de dollars à eux deux. Robert Iger, le directeur général de Disney qui a annoncé sa démission en février dernier, arrive en troisième position avec plus de 65 millions de dollars, mais il est le seul à avoir atteint le top 15 pendant trois années consécutives.
Le classement d’As You Sow ne prend pas seulement en compte la rémunération finale. L’ONG confronte cette rémunération à la performance boursière de l’entreprise, au salaire médian de ses employés et au pourcentage d’opposition par les actionnaires en assemblée générale à la rémunération du PDG. Elle en déduit son classement des patrons qui sont surpayés par rapport à la performance globale de l’entreprise. En moyenne, sur le top 15, les PDG ont perçu 20 millions de dollars de trop. La palme revient, là encore, à Oracle, As You Sow estimant le trop perçu à 204 millions de dollars.
Opposition des investisseurs
Cette générosité des entreprises, qui ne se reflète pas dans la rémunération de leurs salariés, commence toutefois à rencontrer des résistances. De plus en plus d’investisseurs commencent à s’opposer au niveau de rémunération des dirigeants pendant les assemblées générales. Rosanna Landis Weaver prend le cas du Suisse UBS Asset Management qui semble avoir opéré un changement spectaculaire de stratégie : en 2018, il a voté contre environ 20 % des rémunérations trop élevées, en 2019, cette proportion a dépassé les 70 %.
"C’est la direction dans laquelle les votes s’orientent, remarque l’auteure de l’étude. Ce changement est principalement dû à une inquiétude plus forte sur les sujets d’inégalité salariale et à une pression accrue des clients." Une grande partie des investisseurs institutionnels mais aussi des épargnants s’alarment de plus en plus des inégalités salariales, qui sont particulièrement mises en lumière dans le ratio d’équité publié par les entreprises (le rapport entre le salaire du dirigeant et le salaire médian dans l’entreprise). Chez Gap, l’entreprise d’habillement, le PDG est ainsi payé 3 566 fois plus que le salaire médian… un record !
Mais si l’opposition des gérants d’actifs se manifeste de plus en plus bruyamment, l’effet sur les rémunérations semble encore bien faible. Selon l’agence en conseil de vote ISS, le salaire médian des PDG du S&P500 a augmenté de 6 % en 2019. Les dirigeants d’entreprises semblent en effet compter un allié à leurs côtés, ce sont les fonds indiciels géants. BlackRock, Vanguard ou encore State Street Global Advisors, les plus grands actionnaires des entreprises mondiales qui gèrent leurs fonds de manière passive, sont ceux qui se sont le moins opposés aux rémunérations des dirigeants de grands groupes.
BlackRock, dont Larry Fink son fondateur a déclaré cette année vouloir renforcer sa stratégie d’investissement basée sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, ne s’est opposé à une rémunération de PDG que dans 8 % des cas en 2019. Bien faible, par rapport à des sociétés comme Allianz Global Investor (93 %), BNP Paribas AM (91 %) ou Aberdeen Standard Investments (81 %).
En France, les salaires des dirigeants des grandes entreprises sont bien moins élevés, la rémunération médiane des patrons du CAC 40 s’élevant à 4,1 millions d’euros en 2018, selon Proxinvest. Un bon score pour l’agence française de conseil en vote, pour qui la rémunération maximale acceptable est de 240 fois le Smic, soit environ 5 millions d’euros. Quelques dirigeants français s’attribuent néanmoins des rémunérations bien plus élevées. En 2018, Bernard Charlès, PDG de Dassault Systèmes, a touché 33,1 millions d’euros.
Arnaud Dumas, @ADumas5