Publié le 17 octobre 2017
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Turbulences chez Airbus, les enquêtes pour corruption menacent le PDG Tom Enders
Airbus fait l’objet de plusieurs enquêtes pour corruption notamment au Royaume-Uni et en France. De nouvelles révélations mettent désormais directement en cause le PDG, Tom Enders. L'affaire pourrait bien aboutir à la toute première application de la loi Sapin 2 en France qui prévoit une amende pouvant atteindre jusqu'à 30 % du chiffre d'affaires moyen annuel de la société. Même si Bercy veut protéger son fleuron.

De nouvelles révélations font vaciller le géant européen de l'aéronautique Airbus… À tel point que son patron, Tom Enders, est même prêt à jeter l’éponge. "Je ne m'accroche pas à mon job", a-t-il déclaré au quotidien allemand des affaires Handelsblatt ce lundi 16 octobre. "Soyez-en assuré : si je ne fais plus partie de la solution, et j'espère que je m'en rendrai compte par moi-même, j'en tirerai les conséquences".
Une enquête du site Mediapart et du magazine allemand Der Spiegel, publiée le 6 octobre, le met directement en cause dans l’affaire de la vente de 18 Eurofighter à l’Autriche en 2003. A l’époque, il dirigeait la branche défense du groupe Airbus. Par ailleurs, depuis l’été 2016, Airbus fait l’objet d’une autre enquête au Royaume-Uni. Des contradictions et des manquements ont été mis au jour dans des demandes d’aides pour l'exportation. Le parquet national financier (PNF) français a, à son tour, ouvert une enquête préliminaire.
Sur cette affaire, Le Monde révélait vendredi 13 octobre que l’avionneur se serait auto-dénoncé auprès des autorités britanniques sous la pression de Washington afin d’éviter le couperet du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) et un traitement pénal de l'affaire aux États-Unis. Cette hypothèse est étayée par une note officielle des services du ministère français des finances, à laquelle le quotidien a eu accès.
Un risque pour les entreprises et les investisseurs
Face à ces turbulences, le patron d’Airbus a prévenu ses salariés. "De sérieuses conséquences ne sont pas à exclure, notamment le risque d’importantes pénalités pour l’entreprise", a écrit Tom Enders aux 130 000 salariés du groupe dans un courrier en date du 6 octobre. La semaine suivante, le conseil d’administration d’Airbus lui apportait son plein soutien et rappelait les mesures mises en place au sein du groupe pour lutter contre la corruption. Depuis mai déjà, l'entreprise a notamment désigné un groupe d’experts indépendants qui va passer au crible les pratiques et les règles de bonne conduite de la société.
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, reste quant à lui prudent. Depuis Washington, où il participait aux assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale ce week-end, il a expliqué : "Comme actionnaire, nous sommes très vigilants sur ces allégations." La France se doit d’autant plus d’être exemplaire qu’elle est à l’origine de la loi Sapin 2 qui introduit une obligation générale de prévention de la corruption pour les entreprises sous peine de lourdes sanctions administratives et financières. En théorie, une amende pouvant atteindre jusqu'à 30 % du chiffre d'affaires moyen annuel de la société est prévue.
La mise en place de plans de vigilance contre la corruption dans les entreprises devient ainsi la norme, et la corruption est de plus en plus perçue comme un risque pour les investisseurs responsables que Novethic analysait dès 2014 dans le cadre des réflexions menées au sein du Cercle des institutionnels. Selon Transparency International et la Banque Mondiale, la corruption coûte chaque année entre 740 et 1 100 milliards d’euros à l'économie mondiale.
Concepcion Alvarez, @conce1