Publié le 10 juin 2014

GOUVERNANCE D'ENTREPRISE

Mondial de football : l’ombre de la corruption plane sur le Brésil

Le Brésil a construit ou rénové douze stades pour accueillir la coupe du monde. Le budget de ces travaux s’avère particulièrement élevé. Malgré l'adoption l'an dernier d'une loi punissant sévèrement les entreprises se livrant à la corruption, les soupçons se multiplient autour de ces chantiers.

Stade de Brasilia Mane Garrincha
Le stade Mané-Garrincha, à Brasilia, figure parmi les plus chers de l’histoire du football. Son coût frôle les 2 milliards de réais (670 millions d’euros). Un chiffre supérieur de 200 % aux prévisions.
© FIFA

"Ils vont voler. Et beaucoup". C’est en ces termes que Romàrio, l’ancien attaquant international du Brésil décrivait, dès 2012, l’attitude des organisateurs de la Coupe du monde.

Elu en 2010 député fédéral sous les couleurs du Parti socialiste brésilien de l’Etat de Rio, le footballeur vedette est l’un des critiques les plus féroces de la préparation du tournoi. "80% des chantiers liés à la Coupe du monde ont connu des retards. Il s’agissait justement d’entrer dans cet état d’urgence, qui permet de se passer soit de mise en concurrence, soit de la fausser". Et au passage, de se servir.

 

Budget des stades en hausse de 48%

 

Les faits ne lui donnent pas tort. Le Brésil a construit ou rénové douze stades pour un budget de 8 milliards de réais (2,7 milliards d’euros). Un chiffre supérieur aux prévisions de 48 %. Leur coût, par siège, est 15 % supérieur aux 66 stades construits dans le monde entre 2004 et 2014, selon le cabinet brésilien Pluri, spécialisé dans le sport.

"Comment expliquer que les stades de la Coupe du monde 2014 soient plus chers que ceux d’Allemagne [2006], du Japon [2002] ou des Etats-Unis [1994], pays où le coût de la main d’œuvre est beaucoup plus élevé" ? s’interroge Christopher Gaffney, géographe spécialiste des stades d’Amérique du Sud et professeur à l’université fédérale Fluminense.


Corruption et complexité

 

Les soupçons de corruption sont nombreux. Rénové pour la Coupe du monde des clubs (2000), puis à l’occasion des Jeux panaméricains (2007), le stade du Maracanã l’a été une troisième fois pour la Coupe du monde afin de répondre aux normes de la Fifa. Coût total des travaux ? 1,3 milliard de réais (430 millions d’euros). Soit le double du budget initial. "L’appel d’offres international a duré deux semaines, rendant impossible la moindre concurrence", témoigne un observateur français.

La complexité des technologies utilisées dans la construction des stades ou l’importation des matériaux – exemptés pour l’occasion des prohibitives taxes douanières brésiliennes – expliquent aussi les surcoûts constatés. Mais en partie seulement.

Le mensuel économique Exame a passé en revue la liste des équipements du stade Itaquerão de São Paulo, qui accueillera le match d’ouverture du tournoi. L’écran géant de sa face Est, le plus grand du monde, sera livré après la Coupe. L’herbe de la pelouse, d’origine européenne, ne supporte pas le chaud climat brésilien. Un réseau de canalisations d’eau de 43 kilomètres la refroidira, pour un coût de 8 millions de réais. La puissance des 350 projecteurs installés est deux fois supérieure à celle de l’Allianz Arena (Munich), qui a accueilli le match d’ouverture de la Coupe de 2006. Enfin, importées du Japon, les cuvettes des 53 toilettes du stade supportent un poids de 500 kilos, et auront coûté deux millions de réais de plus que prévu.

 

"Pas de dérive des coûts"

 

Mais d’autres organismes officiels avancent une autre thèse pour expliquer la hausse des coûts. Parmi elles, l’équivalent brésilien de la Cour des comptes. "Les projets n’étaient pas mûrs à l’époque où furent faites les prévisions budgétaires. Il n’y a pas de dérive", assure Augusto Nardes, le président du Tribunal des comptes de l’Union.

En traquant les coûts superflus, son institution aura tout de même permis de réduire de 700 millions de réais (233 millions d’euros) la facture des travaux, dont 97 millions de réais pour le seul Maracanã, 65 millions pour le stade de Manaus.

Victor Roux-Goeken, correspondant au Brésil
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