Publié le 28 mars 2023
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Fraude fiscale massive dans cinq banques françaises : "C'est la plus grosse opération de l’histoire du PNF"
Alors que le secteur bancaire subit des faillites en cascade depuis plusieurs semaines, le Parquet national financier vise cinq grandes banques françaises. BNP Paribas, Exane (gestionnaire de fonds, filiale de la BNP), la Société générale, Natixis et HSBC ont fait l'objet d'une perquisition historique du PNF ce 28 mars. En cause : la tentaculaire affaire d’escroquerie fiscale, aussi nommée "CumCum", qui aurait privé neuf pays de 150 milliards d'euros.

Al-DOUMY / AFP
BNP Paribas, Exane (gestionnaire de fonds, filiale de la BNP), la Société générale, Natixis et HSBC. Ces cinq banques ont fait l’objet ce mardi 28 mars d’une opération historique du Parquet national financier. Seize magistrats (sur 19 en poste) du PNF, 150 enquêteurs (sur plus de 250 en poste) du service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF), ainsi que six procureurs allemands du parquet de Cologne ont participé à l’opération. Ces banques sont soupçonnées d’avoir eu recours à une combine fiscale sur les dividendes appelée "CumCum", qui pourrait avoir coûté plus d’un milliard d’euros au Fisc.
Ce scandale mondial a été dévoilé en 2018 par plusieurs médias européens dont Le Monde. Un hold-up en col blanc, initialement estimé à 55 milliards d’euros, qui a été réévalué à 150 milliards d’euros. Concrètement, la pratique dite "CumCum", dans le jargon financier, consiste à échapper à l'imposition sur les dividendes dont doivent en principe s'acquitter les détenteurs étrangers d'actions d'entreprises françaises cotées.
"Justice sociale, justice fiscale"
Pour profiter de la combine, ces propriétaires d'actions, petits épargnants ou grands fonds d'investissement, confient leurs titres à une banque au moment de la collecte de la taxe, échappant ainsi à l'imposition. Les banques auraient joué un rôle d'intermédiaire, tout en prélevant une commission aux détenteurs d'actions.
BNP Paribas et Exane font ainsi l’objet d'enquêtes du PNF pour des soupçons de fraude fiscale aggravée et de blanchiment de fraude fiscale aggravée, après des signalements de l'administration fiscale. Les trois autres font l'objet d'enquêtes pour blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée. Ces dernières font partie des établissements visés fin 2018 par une plainte déposée par un collectif "Citoyens en bande organisée" autour du patron des députés PS Boris Vallaud. Dans un tweet, l’élu se "félicite" de l’enquête. "Notre plainte avec 250 landaises et landais il y a plus de quatre ans porte enfin ses fruits. Exigence de justice sociale, exigence de justice fiscale", écrit-il.
Je me félicite de l'enquête du #PNF.
Notre plainte avec 250 landaises et landais il y a plus de 4 ans porte enfin ses fruits. Exigence de justice sociale, exigence de justice fiscale.
Nous continuerons de porter tous les combats pour la Justice au coeur de notre République. https://t.co/JHxFdPSWna— Boris VALLAUD (@BorisVallaud) March 28, 2023
Un manque à gagner en pleine réforme des retraites
Cette perquisition intervient dans un monde de grande tension pour le secteur bancaire. Après la chute de la Silicon Valley Bank, de Silvergate et de Signature outre-Atlantique, c’est la banque Crédit Suisse qui était menacée de faillite. Son rival UBS l’a rachetée en un week-end mais c’est désormais Deutsche Bank qui montre des signes d’affaiblissement. Est-ce les prémices d’une crise financière ?
En plus du contexte financier, c'est aussi le contexte social explosif qui pose question. En pleine mobilisation contre la réforme des retraites, le manque à gagner de cette fraude fiscale est colossal. "Ce sont plusieurs milliards volés à l'État français chaque année. Il y a une certaine "réforme des retraites" pour un "potentiel déficit de 12 milliards annuel" qui fait l'actualité. Si le gouvernement cherchait comment financer les retraites, il suffit de demander à ces banques. L'argent est là, il suffit d'aller le chercher", écrit Thomas Wagner, alias Bon Pote, sur Linkedin.