Publié le 08 décembre 2017
FINANCE DURABLE
One Planet Summit : "Rien ne peut se faire sans la finance", selon Philippe Zaouati
Philippe Zaouati est directeur général de Mirova et président de Finance for Tomorow (dont Novethic est partenaire), initiative pour promouvoir la puissance de l’écosystème français en matière de finance verte. À la veille du grand sommet sur le climat, le One Planet Summit, il attend que le secteur financier devienne l’outil pour transformer le business model des entreprises et l’aligner sur une limitation du réchauffement climatique.

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Quels sont les enjeux du One Planet Summit du 12 décembre ?
Globalement, l’enjeu est de montrer que, deux ans après l’accord de Paris, les acteurs publics et privés ont enclenché une dynamique puissante à travers des coalitions significatives que plus rien ne peut les arrêter. C’est un message adressé notamment aux États-Unis pour dire que, quelles que soient les décisions de Donald Trump, il n’y a pas de retour en arrière possible.
Pour ce qui est de la finance plus précisément, ces deux journées (Le Climate Finance Day du 11 décembre et le One Planet Summit du 12 décembre, ndlr) sont placées sous le signe de l’accélération. Aujourd’hui, il n’est pas contestable que la finance a pris conscience de l’importance de son rôle. Et les autres acteurs économiques ont intégré que rien ne peut se faire sans la finance. Cependant, le rythme est trop lent face à l’urgence actuelle.
Vous jugez que tous les acteurs financiers sont désormais engagés ?
Les acteurs sont globalement convaincus et toutes les initiatives lancées ces dernières années vont dans le bon sens. Mais ce sont des actions circonscrites à des secteurs donnés ou à des sujets spécifiques, comme le financement des énergies renouvelables ou le lancement de fonds spécialisés. Nous avons besoin désormais de changer en profondeur le business model des acteurs financiers. Pour les investisseurs, cela veut dire décarbonner massivement les portefeuilles. Pour les banques, il faut travailler sur les allocations de capitaux. Pour les assureurs, il faut améliorer l’évaluation des risques.
Et les autres acteurs économiques sont prêts à suivre ?
Oui. Les entreprises ont déjà fait des actions intéressantes dans le domaine financier comme les émissions de green bonds. Lors du One Planet Summit, il y aura des annonces en ce sens ou des appels d’entreprises déjà engagées pour que d’autres les rejoignent. Après, il faudra traiter le sujet de la TCFD (Task Force on Climate Disclosure*). C’est un des points clés pour ce sommet. Ces recommandations ont été bien accueillies et reconnues de bonne qualité. Mais aujourd’hui ce processus est bloqué au niveau du G20 par le refus des États-Unis de les valider. Il y a deux façons d’avancer. Soit certaines zones géographiques, comme l’Europe, rendent obligatoires les recommandations de la TCFD dans la réglementation. Soit les acteurs économiques eux-mêmes s’engagent à les appliquer. J’espère que nous aurons de telles annonces.
* Groupe de travail mis en place par le Conseil de stabilité financière du G20 pour proposer aux entreprises des lignes directrices de reporting sur le climat
Justement, vous appartenez à un groupe européen d’experts sur la finance durable (HLEG). Pensez-vous que l’Union européenne va déployer ce type d’outil ?
Le travail de notre groupe d’experts est dans la dernière ligne droite et les discussions sont en cours pour savoir à quel point la Commission va se saisir de ce sujet. Nous en aurons un premier aperçu avec l’intervention au One Planet Summit du vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis. Selon moi, ce qui va sortir de ce rapport est essentiel car il s’agit d’une occasion unique de s’exprimer sur ces sujets et cela ne se représentera pas de sitôt.
À travers le One Plant Summit, on voit aussi la volonté des acteurs français de faire de Paris la "capitale de la finance verte". La place parisienne peut vraiment endosser ce rôle ?
Cela peut paraître arrogant de vouloir devenir la capitale de ceci ou cela. Mais il faut expliquer ce slogan. "Devenir la capitale de la finance verte" ne veut pas dire que nous voulons écraser les autres villes et tout récupérer. Ce serait ridicule et absurde. Au contraire, il faut créer un réseau mondial des places financières vertes. Pour cela, il faut un moteur et nous sommes convaincus que Paris peut l’être grâce à son écosystème favorable, à son marché des green bonds, à l’Accord de Paris et à la dynamique entre les acteurs publics et privés.
De plus, faire de Paris une capitale de la finance verte est une chance d’en faire une place financière majeure, comme Londres, New-York ou Hong-Kong. L’évolution de la finance peut nous permette de revenir dans ce peloton, à condition de ne pas faire de la finance verte une niche mais le narratif de la place de Paris !
À quoi verra-t-on selon vous que la semaine de mobilisation sur la finance climat a été un succès ?
Difficile sur ces grands événements de dire à chaud si le succès était là. Je pense qu’il faudra analyser les annonces avec la grille de lecture dont je parlais plus tôt. Est-ce que ce sont des annonces anecdotiques, spécifique à un secteur ? Ou touchent-elles réellement la stratégie et le business model des acteurs ? Si nous sommes dans ce second cas, je pense qu’on aura fait un pas important.
Propos recueillis par Ludovic Dupin