Publié le 27 janvier 2015
FINANCE DURABLE
Label ISR : le gouvernement lève le voile sur ses projets
Le gouvernement français souhaite créer un label ISR (Investissement socialement responsable). Si cette annonce date de 2012, une nouvelle étape a été franchie le 23 janvier 2015. Les grandes lignes du projet ont été présentées aux professionnels de la gestion, aux organismes labellisateurs (dont Novethic) et aux représentants des syndicats et des ONG (organisations non gouvernementales). Si la création d’un label ISR public répond aux attentes des professionnels, elle comporte des risques dans sa mise en œuvre.

© Novethic
Financer la transition énergétique grâce à l’investissement responsable (ISR) via un label public. Cette idée avait été lancée par le gouvernement en 2012 et remise en avant à l’occasion de la conférence bancaire et financière, organisée en juin dernier. Le gouvernement a finalement présenté les grandes lignes de son projet le 23 janvier 2015.
Le label ISR que souhaitent créer les ministères des Finances et du Développement durable a été détaillé aux diverses parties prenantes: sociétés de gestion productrices de fonds ISR, organisations syndicales, ONG et organismes labellisateurs, parmi lesquels le Centre de recherche de Novethic. L’objectif était de décrire les grands principes de la gouvernance du label et le calendrier envisagé pour le mettre en œuvre.
Il a été clairement précisé lors de cette réunion que le projet n’est plus destiné à financer la transition énergétique. Ce nouveau label doit désormais faciliter la diffusion de l’ISR auprès d’un public plus large. En apposant un label sur des produits financiers parce qu’ils ont des composantes environnementales et sociales, le gouvernement sera confronté à une attente forte des épargnants sur les qualités extra-financières de ces produits.
Un label ISR : dans quel but ?
C’est ce qu’ont expliqué les spécialistes de la distribution, réunis le 21 janvier par Paris Europlace pour la publication du sondage "Attentes et pratiques des acteurs de la place de Paris en matière d’ISR et de RSE", comme Raphaèle Leroy, responsable de la RSE et des relations-consommateurs de la Banque de détail en France pour BNP Paribas.
Pour elle, "les placements ISR sont susceptibles de ramener nos clients vers les marchés financiers puisqu’ils permettent de leur expliquer la finalité de ces placements qui combinent performance financière et extra-financière. Quand nous dédions un produit comme BNP Aqua à la gestion de l’eau, il a du succès puisque nous pouvons raconter une histoire à nos clients et qu’il bénéficie déjà d’un label, celui de Novethic. Le label à venir doit avoir une large visibilité et permettre de mesurer l’impact et l’efficacité de l’ISR pour convaincre nos clients".
Tout l’enjeu du dispositif public repose sur cette notion de mesure d’impact. Il ne suffit pas de mesurer avec des indicateurs hétérogènes, en termes de méthodologie et d’exigence, combien de CO2 a été émis ou d’emplois ont été créés par les entreprises détenues dans un portefeuille pour attester de la performance environnementale et sociale de la gestion financière ISR.
Il va désormais falloir prouver que les fonds labellisés sont clairement composés d’entreprises mieux-disantes sur un plan environnemental et social. L’un des gages de crédibilité repose sur l’attribution du label par des tiers indépendants susceptibles de vérifier cette dimension.
Des gages de crédibilité à fournir
Pour crédibiliser le dispositif gouvernemental, l’homologation des futurs labellisateurs par un organisme indépendant, le Cofrac, est prévue, à horizon 2016, sur un cahier des charges et un référentiel à définir.
Pourtant, de manière paradoxale, le gouvernement voudrait quand même lancer une première édition en 2015.
Philippe Zaouati, directeur général de Mirova, société de gestion très concernée par le dispositif, souligne sur son blog ce paradoxe: "Le calendrier présenté vendredi par l’Etat est ambitieux. Il s’agit de finaliser le cahier des charges d’ici un à deux mois, de choisir trois organismes de labellisation pour le premier exercice du label au printemps, et de lancer l’appel à candidature pour les fonds dès cet été."
Ce lancement à marche forcée risque de compromettre la démarche de crédibilisation de l’indépendance du dispositif dès la première année et l’exposerait à des accusations d’auto labellisation déguisée.
Proposer aux investisseurs français un label robuste et crédible, assorti d’indicateurs d’impact susceptibles de les convaincre qu’ils peuvent financer des modèles économiques plus durables, semble être la condition sine qua non pour exporter la démarche ailleurs en Europe.
Ce sont en tout cas les exigences du marché allemand, qui développe son label ISR en collaboration pour 2015.
La France sera par ailleurs très observée dans ces démarches de fléchage des flux financiers vers des modèles économiques plus respectueux de l’environnement et des droits sociaux alors même qu’elle accueille le sommet mondial sur le climat du 30 novembre au 11 décembre prochain (COP21).
Invité au Forum de Davos, François Hollande y a appelé à une alliance fédérant les acteurs économiques et financiers pour que la COP21 soit un succès en fin d’année. Les ONG environnementales qui ciblent de plus en plus clairement les institutions financières sur les enjeux environnementaux seront elles aussi vigilantes.