Publié le 01 octobre 2019

FINANCE DURABLE

La taxe carbone fait son retour... et essaie d'être plus juste pour ne pas attiser la colère des Gilets jaunes

À cause de la crise des Gilets jaunes, le gouvernement a dû suspendre l'augmentation de la taxe carbone. Mais pour le Conseil des prélèvements obligatoires, qui a rédigé un rapport sur la fiscalité environnementale, cette taxe a un caractère vital pour réussir à atteindre les objectifs français de réduction d’émissions de CO2. Toutefois il y met les formes, en prévoyant tout un plan d’action pour rendre cette taxe à la fois plus juste et plus acceptable par la population.

Voitures diesel pollution ssuaphoto istock
Le Conseil des prélèvements obligatoires préconise un relèvement de la taxe carbone, mais en ménageant les contribuables les plus fragiles.
@iStock

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) est formel, la fiscalité carbone doit repartir à la hausse. Cet organisme, dépendant de la Cour des comptes, ne craint pas de remettre de l’huile sur le feu après les manifestations des Gilets jaunes contre la taxe carbone de l’automne 2018. Celles-ci avaient poussé le gouvernement à revenir sur la trajectoire d’augmentation de cette taxe.

Selon le CPO, dans son rapport consultatif "La fiscalité environnementale au défi de l’urgence climatique", l’augmentation de la fiscalité est pourtant le seul moyen pour l’État d’atteindre son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030, comme fixé par la loi de 2015, ou l’objectif de neutralité carbone en 2050.

Le gel de la taxe carbone au niveau de 2019 a mis un sérieux coup de frein aux ambitions climatiques de la France. En l’état actuel, avec une taxe établie à 44,60 euros la tonne de CO2 en 2019, la fiscalité carbone ne permet de réduire les émissions que de 25 % à horizon 2030, selon les projections du Conseil des prélèvements obligatoires. Celui-ci a étudié deux trajectoires d’augmentation, l’une basse, l’autre plus ambitieuse. À 100 euros par tonne de CO2, on atteint 29 % de réduction des émissions en 2030 ; à 250 euros la tonne de CO2, on arrive à 34 %. Le CPO laisse au gouvernement le soin de déterminer quel sera le niveau le meilleur.

Améliorer l’acceptabilité

Mais plus que sur le taux de la taxe, c’est sur son acceptabilité que le rapport du CPO insiste. Il établit un quasi plan d’action pour rendre la taxe carbone à la fois moins dégressive, pour ne pas peser plus lourd sur les ménages les plus fragiles et plus facilement compréhensible. Le conseil répond en cela aux craintes des Gilets jaunes qui opposaient fin de mois et fin du monde, et qui critiquaient le fait que les recettes de la fiscalité carbone ne soient pas fléchées vers des dépenses en faveur du climat.

Ce plan d’action commence par la mise en place d’un système de compensation pour les ménages les plus modestes, en prenant en compte les revenus, le lieu de résidence, ou encore le type de mobilité. Un moyen de rééquilibrer la charge de la taxe. Selon une étude de plusieurs ONG publiée en septembre ("Climat et inégalités : plaidoyer pour un budget vert et plus juste"), les 10 % des Français les plus pauvres payent proportionnellement 2,7 fois plus de taxe carbone que les 10 % les plus riches qui, pourtant, émettent trois fois plus de gaz à effet de serre.

Il s’agit ensuite d’agir sur l’acceptabilité de l’augmentation de la taxe carbone. Le conseil suggère à l’État de mieux communiquer sur l’objet même de la taxe, un reproche qui lui avait été fait lors des premières manifestations des Gilets jaunes. Cette collecte supplémentaire doit ainsi être liée de manière claire aux objectifs environnementaux de long terme de la France. Un dispositif de suivi, faisant la transparence sur l’utilisation de ces recettes fiscales, permettrait de lever tout doute quant à leur utilisation.

Élargir l’assiette

Enfin, la charge de la taxe doit également être mieux répartie entre les acteurs économiques. Le CPO préconise d’élargir l’assiette de la taxe carbone en supprimant progressivement les dérogations à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)*. Il recense 26 mesures dérogatoires (transport aérien, bois de chauffage, taxis, etc.), qui coûtent 10 milliards d’euros de recettes fiscales par an. Ces secteurs sont donc mécaniquement exonérés de taxe carbone et devraient être réinclus dans le droit commun.

L’Organisation de coopération et de développement (OCDE) arrive aux mêmes conclusions dans son rapport récent intitulé "Taxer la consommation d’énergie". Selon l’organisation internationale, 85 % des émissions de CO2 liées à l’énergie ne proviennent pas de la route, et seules 18 % de ces consommations non routières sont taxées. L’OCDE préconise donc aussi d’augmenter l’assiette de la taxe vers des secteurs jusqu’alors peu imposés (charbon, transport aérien et maritime, etc.).

Arnaud Dumas, @ADumas5

*La taxe carbone est intégrée à la TICPE


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