Publié le 10 mars 2020
FINANCE DURABLE
L’Europe établit une liste de ce qui est vert… mais continue à buter sur le nucléaire
Orienter les flux financiers vers les activités qui permettront à l’Europe d’atteindre la neutralité carbone en 2050 : pour y parvenir, un groupe d’experts vient de remettre à la Commission européenne la liste des secteurs dans lesquels il faut investir. Toutefois, le nucléaire, très peu émetteur de CO2, n’y est pas encore inclus en raison des questions que pose la gestion des déchets à long terme.

@CCO
Lundi 9 mars, le Groupe d’experts techniques sur la finance durable (TEG) a remis à la Commission européenne son rapport sur la liste des activités considérées comme vertes pour que l’Europe atteigne ses objectifs climatiques en 2050. Cette liste doit guider les investissements dans le bon sens pour les décennies à venir, c’est ce qu’on appelle la taxonomie européenne.
Le rapport liste en détail 70 secteurs d’activité représentant 93 % des émissions de CO2 de l’Europe. Les experts ont tranché sur quasiment tout, à l’exception du nucléaire qui reste dans une zone floue. "Les preuves de la contribution substantielle potentielle de l'énergie nucléaire aux objectifs d'atténuation du changement climatique étaient nombreuses et claires. Le rôle potentiel de l'énergie nucléaire dans l'approvisionnement en énergie à faible émission de carbone est bien documenté", constatent les experts.
Mais ils ajoutent que : "En ce qui concerne les dommages potentiels importants à d'autres objectifs environnementaux, y compris l'économie circulaire et la gestion des déchets, la biodiversité, les systèmes d'eau et la pollution, les preuves sont complexes et plus difficiles à évaluer dans un contexte taxonomique". Les experts constatent qu’aucune solution de stockage sûr et à long terme n’a encore pu être démontrée dans le monde.
Un besoin d'études approfondies
Or c’est tout l’enjeu de la taxonomie. Pour en faire partie, il faut avoir des émissions de CO2 limitées et ne pas porter atteinte à l’environnement. Dans ce contexte, le TEG considère ne pas pouvoir trancher pour l’énergie issue de la fission. "Il n'a pas été possible au TEG, ni à ses membres, de conclure que la chaîne de valeur de l'énergie nucléaire ne cause pas de préjudice significatif à d'autres objectifs environnementaux sur les échelles de temps en question. Le TEG n'a donc pas recommandé l'inclusion de l'énergie nucléaire dans la taxonomie à ce stade", concluent les experts.
Le cas de l’atome doit selon le TEG être traité par "un groupe avec une expertise technique approfondie". Interrogée par l’AEF, Michele Lacroix, directrice des investissements du groupe Scor et membre du TEG explique que "Nous n’avons pas changé nos conclusions parce qu’il s’agit de deux secteurs politiques qui dépassent nos compétences techniques. C’est à la Commission européenne de trancher".
Interrogé par Novethic, EDF juge que "L’argent ne manque pas. Il faut l’orienter vers les solutions décarbonnées. Nous souhaitons que toutes les énergies et solutions bas carbone trouvent leur juste place dans la taxonomie, y compris le nucléaire". L’électricien français s’est beaucoup impliqué, au côté de l’État français, pour l’inclusion du nucléaire , jugeant que la prochaine génération de réacteurs demandera "une régulation permettant de contribuer à son financement et donnant de la visibilité sur la rémunération", comme l’expliquait le directeur financier d’EDF Xavier Girre dans l’Essentiel de la Finance Durable.
Ludovic Dupin @LudovicDupin