Publié le 13 octobre 2014
FINANCE DURABLE
Investissement responsable : une croissance européenne en ordre dispersé
Bonne nouvelle : selon les chiffres publiés le 9 octobre dernier par Eurosif, à Bruxelles, les pratiques d’investissement responsable (IR) progressent en Europe. Mais l’efficacité de ce développement est freinée par deux handicaps: la disparité des objectifs environnementaux et sociaux que se fixent les investisseurs institutionnels et la rareté des épargnants particuliers.
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L’étude fraîchement publiée par Eurosif, l’organisation qui fédère les forums pour l’investissement responsable des pays européens, confirme que les pratiques d’intégration de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) prennent corps dans la gestion financière européenne.
Livrée tous les deux ans, elle montre que toutes les pratiques ont augmenté dans des proportions variables. La plus répandue reste, de loin, la pratique des exclusions, qui consiste à écarter des portefeuilles les entreprises ou les secteurs les plus controversés en la matière. Elle a connu une croissance de +91% par rapport à 2011 et est aujourd’hui mise en œuvre sur près de 7000 milliards d’euros dans les 13 pays recensés dans l’enquête, soit 41% de la gestion d’actifs en Europe.
7000 milliards d’euros d’actifs "éthiques"
Ce chiffre montre la volonté des investisseurs à privilégier la protection de leur réputation. En s’efforçant d’éviter les placements susceptibles de les mettre en difficulté, ils ne prennent pas le risque de choquer les bénéficiaires de les voir associer à telle ou telle entreprise.
Le développement durable, en revanche, est moins bien loti. Les approches d’investissement responsable qui orientent leurs financements vers des modèles plus respectueux du développement durable grandissent moins vite. Les stratégies dites "best in class" visant à sélectionner les entreprises les mieux notées sur des critères ESG ont progressé de 24,8 % pour atteindre 353 milliards d’euros, dont la moitié est gérée en France. Les investissements thématiques environnementaux n’ont, pour leur part, progressé que de 22,6% entre 2011 et 2013 pour atteindre quasiment 59 milliards d’euros. En outre, ils se sont développés essentiellement dans trois pays, les Pays-Bas, la Suisse et la Grande-Bretagne.
"La période est propice pour l’investissement responsable", explique François Passant, le directeur d’Eurosif. Et ce n’est pas qu’un vœu pieux: "On voit des signaux très positifs. L’idée que des facteurs environnementaux et sociaux ont des traductions financières palpables progresse. La responsabilité des investisseurs de long terme évolue aussi. Elle les conduit à ne pas se contenter des seules performances financières, mais à élargir leurs horizons et à développer l’engagement actionnarial pour pousser les entreprises dans le bon sens."
Les épargnants particuliers en chute libre
La diffusion massive de l’analyse des entreprises sur des critères ESG chez les investisseurs responsables favorise les changements de paradigme, mais ils semblent aujourd’hui plus attirés par des initiatives à cibles environnementales identifiées. Nombre d’entre eux sont de gros souscripteurs de "green bonds" (obligations vertes) comme ceux émis par EDF fin 2013. On retrouve aussi ces investisseurs responsables dans le mouvement de mobilisation financière dans la lutte contre le changement climatique lancé à New York en septembre dernier.
Reste un bémol de taille: les épargnants particuliers sont presque absents de cette évolution majeure de l’économie et de la finance. Ils ne détiennent que 3,4% des encours d’investissement responsable européens contre 5,9% en 2011 et 8% en 2008. Cette baisse constante témoigne de l’absence de visibilité de l’investissement responsable dans les réseaux de distribution des banques et des assureurs. Elle montre aussi les limites des appels à la mobilisation, comme La Semaine de l’ISR, organisée en France du 29septembre au 6octobre.