Publié le 10 juin 2016
FINANCE DURABLE
Flavia Micilotta : "Le contexte européen est porteur pour l’investissement responsable"
Flavia Micilotta est la nouvelle directrice d’Eurosif. Arrivée fin 2015 à la tête du réseau européen du Forum pour l’Investissement Responsable, elle mène sa mission de promotion de l’investissement responsable dans un contexte porteur qui se concrétisera, d’ici la fin de l’année, par les publications des chiffres européens. Interview.

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Novethic : Reporting non financier, publications d’informations sur le risque climat, débat sur l’optimisation fiscale… Les thèmes porteurs de l’investissement responsable sont en première ligne. Est-ce que la période est favorable pour son développement ?
Flavia Micilotta : Il y a un élan manifeste un peu partout en Europe pour un débat constructif autour des notions de transparence, de responsabilité et de limitation des abus. Les raisons pour cela sont endogènes autant qu’exogènes.
La société civile est de plus en plus sensibilisée aux répercussions du manque de responsabilité dont font preuve les gouvernements et les entreprises depuis trop longtemps.
Les investisseurs s’impliquent davantage pour mettre les entreprises face à leur responsabilité et faire entendre leur voix.
Les instances réglementaires souhaitent jouer leur rôle pour instaurer un cadre ad hoc. Les consultations publiques lancées par la Commission européenne ont marqué le début de cette année, que ce soit sur l’investissement de long terme et durable ou sur les lignes directrices non contraignantes en matière de publication d’informations extra-financières. Elles ont inspiré beaucoup de débats parmi un large éventail de parties prenantes et sont, dans une certaine mesure, reliées à l’industrie de l’Investissement Socialement Responsable(ISR).
À Eurosif, nous sommes satisfaits de voir que les investisseurs jouent maintenant un rôle plus important dans la définition du cadre européen concernant les marchés de capitaux. Nous constatons cela à travers les consultations européennes et les attentes exprimées auprès des investisseurs pour qu’ils orientent le débat politique vers le développement d’une économie européenne davantage imprégnée des objectifs de l’ISR.
Cette tendance positive signifie que l’intégration de facteurs environnementaux, sociaux et en matière de gouvernance (ESG) prend de l’ampleur et influence plus fortement la gestion institutionnelle globale. Avec l’Union des marchés des capitaux, l’UE prend un tournant important en matière de financement. Il a la capacité de "contribuer à réaliser les objectifs de la politique énergie climat à l’horizon 2030 et les engagements de l’UE en ce qui concerne les Objectifs de développement durable". Diversifier les sources de financement amène des opportunités pour de nouvelles catégories d’investissement à haut potentiel comme l’intégration ESG ou les obligations vertes.
Quels sont les principaux messages portés par Eurosif auprès des autorités européennes ?
Nous sommes en dialogue continu avec les décideurs européens et nous facilitons les échanges entre nos membres et les régulateurs concernant des sujets tels que l’ISR et la durabilité. Contribuer à l’élaboration du contenu des politiques constitue l’essentiel de notre travail. Nous mettons à profit la richesse des perspectives de nos membres à travers l’Europe pour informer les régulateurs des obstacles principaux qui se présentent, et indiquer les leviers les plus importants pour la croissance.
A la fin de l’année dernière, nous avons par exemple mis à jour et publié notre position sur l’Union des marchés des capitaux, ce qui a contribué à obtenir davantage d’attention sur nos demandes principales :
- Davantage de transparence via la divulgation obligatoire d’informations ESG
- Une définition claire et unifiée de l’obligation fiduciaire qui intègre les dimensions ESG
- Plus de cohérence législative dans la promotion d’investissements de long terme durables
- Une règlementation améliorée pour les investissements de long terme
Sensibiliser les eurodéputés
Pourquoi avoir organisé le 1er juin un évènement au Parlement européen sur l’investissement de long terme et l’Union des marchés des capitaux ?
Ce fut une première pour Eurosif. Les opportunités que peuvent générer une bonne législation et les synergies potentielles entre les parties prenantes engagées ont motivé notre invitation lancée à différents parlementaires européens pour leur faire prendre davantage conscience de nos attentes et de nos travaux actuels dans le contexte de l’Union des marchés des capitaux.
Nous avons pris soin de construire un panel pertinent et solide, y compris les acteurs qui joueront inévitablement un rôle crucial pour écrire l’avenir des marchés des capitaux. Rassembler ces acteurs et échanger avec eux sur les sujets les plus importants pour le développement des investissements de long terme peut déclencher des collaborations utiles et des dynamiques nouvelles.
Les pays européens avancent-ils à la même vitesse ?
Pour savoir comment se répartit la croissance de l’ISR, il faut attendre les résultats de l’étude Eurosif sur l’ISR de 2016, qui seront dévoilés au plus tard le 10 novembre prochain à Bruxelles. Mais la prise en compte des facteurs ESG se développe dans un contexte favorable. Je crois que nous pouvons être raisonnablement optimistes.
La loi française sur la transition énergétique et la croissance verte a marqué un tournant pour la communauté européenne de l’ISR. Nous espérons qu’elle aura un effet domino sur les pays voisins. Les membres d’Eurosif collaborent entre eux pour présenter et partager des bonnes pratiques qui peuvent maximiser le potentiel national de leurs marchés respectifs. Notre réseau est très utile pour cela.
Entretien initialement publiédans le N° 48 de l'Essentiel de l'ISR.