Publié le 10 novembre 2020

FINANCE DURABLE

BlackRock, plus puissant que jamais... mais pour servir quel objectif ?

Alors que le Covid-19 a engendré une double crise sanitaire et économique, le gestionnaire financier le plus important au monde, BlackRock a collecté des sommes records. L’entreprise gère désormais plus de 7 800 milliards de dollars, qu’elle assure vouloir mettre au service de la lutte contre le réchauffement climatique. Une position qui pourrait peser lourd pour le bien-être de la planète. Mais, quand on regarde la réalité des engagements, on s’aperçoit qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres.

Larry Fink Forum economique de Davos 2020 FabriceCoffrini AFP
Larry Fink, PDG de BlackRock, lors du sommet de Davos de 2020.
@FabriceCoffrini/AFP

Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Cette devise devrait s’appliquer au gestionnaire d’actifs géant, BlackRock. La crise du Covid, qui a fait s’effondrer les marchés au premier semestre 2020, a fait croître massivement l’entreprise. Au troisième trimestre, elle a collecté près de 129 milliards de dollars. L’entreprise gère désormais 7 808 milliards de dollars d’encours. Un record absolu. À titre de comparaison, c’est deux fois le PIB de l’Allemagne, presque trois fois celui de la France, ou 440 fois celui du Tchad.

"La pandémie a créé cette peur de l'avenir, et la réponse est un taux d'épargne plus élevé en Amérique, et un taux d'investissement plus élevé à long terme", explique Larry Fink, PDG de BlackRock. Ce dernier est d’ailleurs évoqué pour devenir le prochain secrétaire d’État au Trésor de Joe Biden lors de sa prise de pouvoir en janvier prochain. En attendant son entreprise prospère avec un bénéfice de 1,36 milliard de dollars au dernier trimestre et un cours de Bourse qui a crû de 20 % depuis le début de l'année 2020 tourmentée.

Cette puissance est à mettre en regard des ambitions affichées par le dirigeant. Début 2020, dans sa traditionnelle lettre à ses grands clients, Larry Fink assurait mettre le réchauffement climatique au sommet de ses priorités. "Nous estimons que l’investissement durable représente désormais le meilleur gage de robustesse pour les portefeuilles des clients", écrivait-il. Selon lui, le changement climatique constitue une "crise beaucoup plus structurelle et de plus long terme", que n’importe quelle crise économique. Une déclaration d’autant plus forte qu’elle a eu lieu quelques semaines avant le début de la dévastatrice crise du Covid-19.

Peu de votes en faveur du climat

Fin octobre, l’entreprise appelait d’ailleurs à une standardisation du reporting des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) par toutes les entreprises. "Les investisseurs et les autres parties prenantes ont besoin d'une image plus claire de la façon dont les entreprises gèrent le développement durable aujourd'hui et planifient l'avenir", martèle le financier. De quoi rassurer que les intentions de cet intouchable mastodonte… sauf que dans la réalité, tout n’est pas si clair.

C’est ce que décrit la dernière enquête de Majority Action sur les votes aux Assemblées générales. Cette ONG a regardé de près les votes des grandes sociétés de gestion comme BlackRock, Vanguard ou encore Fidelity. Et selon ces données, ces derniers continuent de voter contre les résolutions actionnariales pour le climat et à soutenir les dirigeants des grands groupes quelle que soit leur politique environnementale. BlackRock se défend en disant que sa politique consiste à voter contre les administrateurs, plutôt que pour les résolutions climatiques et déclare l'avoir fait pour 49 entreprises dont les progrès sur le climat n'étaient pas suffisants.

Néanmoins, sur 36 résolutions concernant le climat en 2020, Majority Action recense trois votes favorables venus de BlackRock (et quatre pour son grand rival Vanguard). Par exemple, une résolution avait été déposée lors de l’Assemblée générale de JP Morgan Chase pour que la banque aligne ses financements sur les objectifs de l’Accord de Paris, et en particulier arrête de soutenir les énergies fossiles. La résolution, soutenue par l’agence de conseil en vote ISS, a obtenu 49,6 % de votes favorables, et aurait été adoptée si BlackRock et Vanguard l’avaient soutenue.

Ludovic Dupin @LudovicDupin


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