Publié le 02 décembre 2015

FINANCE DURABLE
Désinvestissement : le mouvement dépasse les 3 400 milliards de dollars d’actifs
Les ONG 350.org et Divest-Invest annoncent ce mercredi que le mouvement de désinvestissement des énergies fossiles dépasse désormais les 3 400 milliards de dollars d’actifs. En dix semaines, plus de 100 nouvelles institutions ont pris des engagements en ce sens. Plus d’une vingtaine de villes en France et dans le monde, la fondation Ensemble de Pierre & Vacances ou encore la London School of Economics disent non aux fossiles. Revue de détail.

Emma Cassidy / Survival Media Agency
"Il y a eu un sursaut d’engagements", affirme May Boeve, co-fondatrice et directrice exécutive de 350.org. Ce mercredi, au Bourget, en pleine COP21, le mouvement de désinvestissement des énergies fossiles annonce avoir dépassé les 3 400 milliards de dollars d’actifs.
Attention, prévient l'ONG: cela ne représente pas l’ensemble des montants désinvestis mais le total des actions des différentes institutions engagées. Ce qui donne en fait davantage le poids des institutions engagées dans le mouvement. "Il est est très difficile de tracer les montants exacts désinvestis du fait des différents degrés de transparence de celles-ci", précise May Boeve. A titre de comparaison, en septembre dernier, le chiffre s’élevait à 2 600 milliards de dollars d’actifs . Soit une hausse de près de 24 %.
Plus de 500 institutions engagées
"En dix semaines, plus de 100 nouvelles institutions se sont engagées à désinvestir les énergies fossiles, de façon totale ou partielle. Elles sont désormais plus de 500 au total", poursuit-elle. "Beaucoup d’investisseurs ne veulent plus être associés à cette industrie et prennent en compte le risque carbone".
Parmi les exemples de désinvestissement les plus récents, les collectivités locales sont bien représentées. En France d’abord, 19 villes, incluant Lille, Bordeaux, Dijon ou encore Saint-Denis, ont fait part de leur souhait de se désengager des énergies fossiles. A l’étranger, Oslo en Norvège, Melbourne en Australie, Münster en Allemagne, ou Uppsala en Suède, ont pris des engagements similaires.
Résolution des parlementaires français vers une société bas-carbone
Plus symbolique, l’Assemblée nationale a quant à elle adopté une résolution pour une société bas-carbone le 25 novembre dernier. Les députés souhaitent notamment que "la France place l’investissement et le secteur financier au service du climat, en encourageant les investisseurs institutionnels, les entreprises - notamment celles dont l’État est actionnaire - et les collectivités territoriales à cesser d’investir dans les énergies fossiles et notamment dans le charbon". Elle précise également qu’il faut accélérer la décarbonation de l’économie et pour ce faire "tendre vers 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2050”.
Une résolution prise au lendemain de l’annonce, par de nombreux investisseurs, notamment la Caisse des dépôts (dont Novethic est une filiale), de mesures de réduction de leur empreinte carbone et de leur désinvestissement des entreprises les plus exposées au secteur du charbon. Toujours en France, la fondation Ensemble de Pierre & Vacances désinvestit les énergies fossiles.
Le risque juridique de plus en plus prégnant
"C’est un changement culturel majeur ! Nous expérimentons quelque chose de totalement nouveau", souligne ainsi Pascal Canfin. L'ancien ministre du Développement, conseiller climat auprès du World Resources Institute (WRI) et tout nouveau directeur exécutif de l’ONG WWF, salue notamment les engagements forts du groupe Allianz, premier assureur européen en termes de chiffre d’affaires, qui n’investira plus dans des entreprises qui tirent plus de 30 % de leur chiffre d’affaires de l’exploitation du charbon ou qui génèrent plus de 30 % de leur énergie du charbon.
De même, l’engagement du Dutch pension fund (Fonds de pension des Pays-Bas) de désinvestir son portefeuille d’actions des entreprises minières et de réduire ses investissements dans les autres énergies fossiles est très significatif. Le fonds est assis sur 161 milliards de dollars d’actifs.
"Il y a trois raisons qui expliquent le succès de ce mouvement, précise Pascal Canfin. La première est éthique. La deuxième est financière. Et la troisième est juridique. De plus en plus, la responsabilité légale des investisseurs qui ne prennent pas en compte le risque climatique va être mise en cause".
Enfin, la London School of Economics a également annoncé la semaine dernière qu’elle se séparait de toutes ses participations, directes ou indirectes dans le charbon et les sables bitumineux, et de toutes ses participations directes dans les compagnies fossiles. Au total, au Royaume-Uni, 18 universités ont pris des engagements.
"Construire une nouvelle économie"
"Ce mouvement est primordial car les gouvernements ne peuvent pas être les seuls à agir", estime Steven Heintz, président de la Fondation Rockefeller Brothers, dont la famille est à l’origine d’Exxon, la plus grande entreprise pétrolière du monde. La fondation a été l’une des premières à rejoindre la campagne de désinvestissement et à se désengager de l’ensemble des énergies fossiles.
Steven Heintz est depuis devenu l’un des plus grands défenseurs du mouvement. "14 mois après notre engagement, nous sommes fiers de voir que le mouvement ne cesse de grandir de plus en plus vite. Il y a un impératif moral à sauver notre planète mais il s’agit également de bon sens économique. Les actions liées aux fossiles ne vont cesser de perdre de la valeur, et ce sera encore plus le cas à la fin de la COP21. Ceci est le grand challenge de notre époque : construire une nouvelle économie qui permette de faire des profits tout en préservant l’environnement".