Publié le 29 juin 2018
FINANCE DURABLE
[Décryptage] Grandeur et misère du CAC 40
Le CAC 40 réunit les entreprises censées être les fleurons de l’économie française. Mais la constitution de cet indice phare est fait à la discrétion d’un comité scientifique dont les critères sont inconnus. Les performances financières sont sans aucun doute en tête de liste… Mais ne serait-il pas temps d’intégrer aussi des critères de performances environnementales et sociales ?

@KenDrysdale
Il s’en est fallu de peu pour que les journaux titrent : une entreprise du CAC 40 mise en examen pour crime contre l’humanité. La mise à l’index du cimentier Lafarge Holcim a bien eu lieu. Mais le comité scientifique qui sélectionne les entrées et les sorties de l’indice phare de la Bourse de Paris dans le plus grand secret, l’avait exclue le 18 juin.
Sur quels critères ? Financiers sûrement, économiques et politiques probablement. On n’en sait trop rien puisque sa méthodologie de sélection et sa composition ne sont pas publiques. "En ces temps de Mondial de football on peut malgré tout dire que c’est un bon sélectionneur d’entreprises solides et performantes", explique Bruno Fine, président de Roche-Brune asset management qui vient de publier une analyse sur le sujet.
"Le comité scientifique applique sans doute une méthode visant à retenir les meilleures entreprises du moment avec l’objectif d’afficher les meilleures performances. Quand on analyse sur dix ans, on constate que le CAC 40 a réussi à avoir 3,6 % de progression moyenne, mais en changeant de joueurs. Le comité est donc plutôt bon dans sa dimension de sélectionneur", explique-t-il.
Le CAC sur un objectif 5°C
Il ajoute : "D’un point de vue ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) ou financier, celles qui sont restées affichent de bonnes performances, mais n’est-il pas surprenant qu’aujourd’hui il échappe à toutes règles de transparence auxquelles sont soumis les investisseurs qui achètent les actions des entreprises du dit CAC 40."
Les investisseurs institutionnels et les sociétés de gestion soumises par l’article 173 de la loi TEE (Transition Écologique et Énergétique) ont des obligations de reporting sur la prise en compte des risques climat et des dimensions ESG. Or côté risque climat, il serait sans doute utile que le comité s’intéresse aux manques de performances de son équipe première. Selon les études de Mirova, le CAC 40 est sur une trajectoire de plus de 5 degrés de réchauffement climatique.
Si on file la métaphore du sélectionneur impénétrable que serait le comité scientifique du CAC 40, il pourrait aussi miser sur l’avenir et sélectionner les grandes entreprises les plus performantes au plan économique, environnemental et social pour faire de son indice, le phare de l’économie durable, résiliente et compétitive. Dans ses premières mesures pour la finance durable, la Commission européenne a choisi de commencer par la création d’indices bas carbone ou à impact positif spécifiques. Ils doivent servir d’étalon de mesure de la performance financière pour les investisseurs engagés.
GE hors du Dow Jones
Mais les autres investisseurs doivent-ils continuer à investir dans l’économie telle qu’elle est… Et attendre que les stars d’hier soient suffisamment flétries pour ne plus être retenues dans le casting d’élite des indices phares ? Cela vient d’arriver à General Electric. Ce fleuron a été exclu le 17 juin du Dow Jones après 111 ans de sélection continue !
Alors qu’il existe aujourd’hui 70 fois plus d’indices que d’entreprises qui les composent, et qu’ils attirent une part massive et croissance de l’investissement, il serait important de les faire participer à la grande compétition mondiale qui commence : celle de la finance durable.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic