Publié le 24 mai 2018
FINANCE DURABLE
[Décryptage] Finance durable : l’épreuve de force débute pour la Commission européenne
Il aura fallu moins de quatre mois à la Commission européenne pour rédiger les premiers textes législatifs liés aux recommandations pour une finance durable européenne du groupe d’experts de haut niveau. Ce délai très court témoigne de son ambition et de la volonté de faire de la finance durable un axe majeur de sa politique. Pourtant la partie est loin d’être gagnée. Si l’idée qu’il faut agir vite et fort est aujourd’hui partagée, la modification des textes et des pratiques de gestion financière habituelles va rencontrer de fortes résistantes.

@UE
Le projet de faire de la finance durable un axe majeur de la politique européenne a généré un enthousiasme extraordinaire ce dont témoigne la publication très rapide par la Commission d’un plan d’action d’abord début mars, suivie des premiers textes législatifs, six semaines plus tard, le 24 mai. Mais l’épreuve du passage à l’acte commence. Ceux pour qui la Commission va trop vite et trop fort dans sa volonté de transformer les pratiques, vont user de tous les moyens à leur disposition dans les diverses instances concernées pour freiner le processus.
Tenir bon et rappeler aux uns et aux autres les engagements officiels de soutien sera déterminant. Il faut amener jusqu’au bout la création d’un référentiel européen des activités dites durables, la mise en place d’obligations de transparence sur l’intégration de critères ESG par tous les investisseurs, la clarification des notions de risques ESG et les coûts qui leur sont associés.
Ne pas oublier les investisseurs individuels
Il faut viser aussi le développement d’indices boursiers bas carbone pour offrir aux investisseurs des outils de marché cohérents avec des stratégies de financement alignées sur l’objectif de 2 degrés de l’Accord de Paris sans oublier les investisseurs individuels. L’idée serait de modifier leur conversation avec leurs chargés de clientèle pour qu’ils expriment leurs préférences en matière de finance durable et aillent au-delà d’un simple profilage sur leurs attentes en termes d’épargne.
Si les États membres comme une partie des acteurs financiers affichent globalement de l’intérêt pour les démarches de la Commission, la finance durable reste une pratique très minoritaire. C’est pourquoi Valdis Dombrovskis, vice-président en charge de la stabilité financière et des marchés de capitaux, rappelle que "Nous devons placer l’argent dans des projets compatibles avec nos objectifs de décarbonation et de lutte contre le changement climatique. C’est important pour l’environnement et l’économie mais aussi pour la stabilité financière".
Des élections clés
Il faudra du temps pour transformer en profondeur, par des réformes compréhensibles par le plus grand nombre, le système financier pour qu’il soit plus durable. Mais le groupe d’experts de haut niveau sur la finance durable (HLEG) auquel j’appartiens "se réjouit d’ores et déjà de cette première étape d’implémentation du plan d’action pour financer une croissance durable". Il souligne que "cela reflète les ambitions et une partie des priorités définies dans son rapport et appelle la Commission et les États membres à agir pour que les propositions soient mises en œuvre aussi rapidement que possible".
La perspective des prochaines élections européennes tout comme la situation italienne constitue des menaces sur un déploiement rapide de ce projet ambitieux, mais ceux qui le défendent ont mis les bouchées doubles pour offrir cette ambition à l’Europe. Il ne faudrait pas les décevoir.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic