Publié le 04 mars 2019
FINANCE DURABLE
Avec Ynsect, les investisseurs démontrent leur intérêt pour le secteur émergent de l’agriculture durable
Elle veut nourrir le monde avec des vers de farine. Et les investisseurs y croient. Ynsect vient de lever 110 millions d’euros pour faire passer à l'échelle industrielle l’élevage et la transformation d’insectes pour l’alimentation animale. Cette somme record pour une jeune société en phase de croissance montre l’attrait nouveau des investisseurs pour les technologies agricoles durables.

@Ynsect
C’est un montant record qu’a réussi à lever Ynsect. En quelques mois, la jeune entreprise spécialisée dans l’élevage et la transformation d’insectes pour l’alimentation animale et la fertilisation des sols a rassemblé 125 millions de dollars (110 millions d’euros environ) auprès de ses investisseurs historiques et de nouveaux fonds d’investissement en capital internationaux.
Cette opération est symptomatique d’un domaine de plus en plus attractif pour les acteurs du capital investissement. Les énergies renouvelables attirent traditionnellement la grande majorité des capitaux privés mais, selon le dernier baromètre annuel des cleantechs publié par la commission climat de France Invest, l’agriculture durable commence à se faire une place.
Des investissements multipliés par quatre
En 2018, les "Agtechs", selon le terme en vigueur, se sont hissées en cinquième position des montants investis par les acteurs français du capital investissement. En tout, selon le baromètre cleantech, les fonds ont misé 91 millions d’euros dans de jeunes entreprises de l’AgTech, quatre fois plus qu’en 2017 (21 millions d’euros). La levée de fonds de 110 millions d’euros d’Ynsect assure déjà une année 2019 en progression.
"C’est un secteur très dynamique aujourd’hui car la population mondiale augmente, les besoins en alimentation aussi. Il y a donc besoin d’innover", explique Yassine Soual, chargé d’investissement du fonds Bpifrance Large Venture qui a participé à l’opération Ynsect. Le fonds Large venture, spécialisé dans le financement des startups en phase de croissance, a également participé, en décembre dernier, à l’augmentation de capital de 25 millions d’euros d’Agricool, une autre jeune pousse prometteuse spécialisée dans l’agriculture urbaine.
Ynsect a pu vérifier cet engouement. De l’aveu même d’Antoine Hubert, son président fondateur, "il y a eu plus de demandes de la part des investisseurs que ce que l’on pouvait offrir, donc nous pourrions recommencer une levée de fonds dans les prochains mois".
De fonds de typologie variée
Pour réunir une telle somme, Ynsect a dû ratisser large. "Notre tour de table est une convergence de plusieurs types de fonds, spécialisés dans les technologies logicielles comme Talis Capital, dans l’agroalimentaire durable, comme Astanor Ventures, dans l’impact comme le hong-kongais Happy Capital ou le français Demeter", confie Antoine Hubert. En tout, plus d’une dizaine d’investisseurs ont participé à l’opération.
La nouvelle levée de fonds porte à 175 millions de dollars (154 millions d’euros) les montants collectés par l'entreprise depuis sa création en 2011. "Nous allons pouvoir lancer la construction d’une plus grosse installation, dont les autorisations administratives sont en cours", explique Antoine Hubert. Cette première unité de production à grande échelle sera située à Poulainville près d’Amiens (Somme) et mettra en application les process validés dans le site de démonstration de 3000 m² situé à Dole, dans le Jura.
L’usine d’Amiens produira, sur quatre hectares, jusqu’à 20 000 tonnes de protéines issues des larves du molitor, ou ver de farine, soit 100 fois plus que la capacité actuelle. Ces protéines sont destinées au marché de l’alimentation animale, en se positionnant notamment en alternative aux farines utilisées pour l’élevage des poissons. Les déjections des larves sont par ailleurs retraitées et stérilisées pour produire des engrais non chimiques.
La construction devrait commencer en fin d’année, pour une durée d’un an environ. Mais déjà, les clients ont montré leur intérêt. "Ynsect a déjà sécurisé 70 % de la production en promesse d’achats alors que l’usine n’existe pas encore", souligne Yassine Soual, du fonds Large venture.
Arnaud Dumas @ADumas5