Publié le 02 mai 2016
ENVIRONNEMENT
Glyphosate : Conflits d’intérêt en Allemagne, danger pour la santé publique en Europe
La Commission européenne doit se prononcer cette année sur le renouvellement d’autorisation du très controversé pesticide glyphosate. Elle s’appuiera sur la décision d’un comité d’experts, qui se réunira les 18 et 19 mai prochain, au sein duquel figure l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR). Celui-ci est chargé de réévaluer la toxicité de la molécule phytosanitaire au nom de l’Union européenne. Mais son expertise pose de graves problèmes déontologiques, selon certaines ONG : la majorité des membres du groupe d’experts pour les pesticides au sein du BfR entretient des liens, directs ou indirects, avec l’industrie agrochimique.

Georges Gobet / AFP
Le glyphosate est le pesticide le plus vendu au monde. Et le plus fréquemment retrouvé dans l’environnement. Problème : en mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classait ce pesticide comme "cancérigène probable".
Le CIRC est l’agence chargée d’évaluer et d’inventorier les causes du cancer au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Son avis s’oppose diamétralement à celui adressé en janvier 2015 par l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR) à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) : non seulement l’agence allemande conclut à la non-dangerosité du glyphosate sur la santé humaine, mais elle estime que la dose journalière admissible peut même être augmentée de 0,3 à 0,5 milligrammes par kilo et par jour.
Le 12 novembre 2015, l’AESA publiait à son tour un rapport qui corroborait les conclusions allemandes.
Neuf experts du BfR sur 13 liés à l’industrie des pesticides
Ce rapport a provoqué une levée de boucliers au sein de la communauté scientifique internationale. Le 27 novembre 2015, près de 100 scientifiques adressaient une lettre ouverte au Commissaire européen pour la santé et la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, dénonçant de graves lacunes dans les analyses conduites par les autorités sanitaires européennes et allemandes.
Mais les critiques sont aussi d’ordre déontologique. Plusieurs enquêtes et recherches, menées par des ONG allemandes, démontrent l’infiltration du BfR par l’industrie des pesticides. L’organisation munichoise Testbiotech a ainsi pu prouver que 9 des 13 membres du groupe d’experts pour les pesticides de l’organisme public allemand entretiennent des liens directs ou indirects avec l’industrie des pesticides (Bayer, BASF ou encore l’organisation de lobbying International Life Sciences Institute - ILSI).
Pour l’association, cette infiltration a des effets concrets. Et néfastes. En Allemagne : "On constate une véritable influence de l’industrie agrochimique sur des secteurs clés, comme les administrations, la recherche et les organismes nationaux chargés d’assurer la sécurité alimentaire", déplore Christoph Then, de l’ONG Testbiotech.
Berlin compte-t-il y remédier ? L’expert en agronomie en doute : "Il semble que la meilleure des solutions pour le gouvernement actuellement est de nier ces conflits d’intérêt". Une cécité lourde de conséquence pour la santé publique en Europe.