Publié le 10 mai 2019
ENVIRONNEMENT
[Édito Vidéo] Résistances aux antibiotiques, une menace invisible aussi grave que le réchauffement climatique
Les bactéries sont de plus en résistantes aux antibiotiques. En cause, une utilisation abusive non seulement pour la santé humaine et pour l’élevage. Le danger est aussi important et imminent que le réchauffement climatique assurent médecins, prix Nobel et experts de l’ONU. Pourtant, ce risque n’est pas à l’agenda des décideurs mondiaux.

@RaulArboleda/AFP
Le monde ne manque pas de menaces. La perte de biodiversité, les armes nucléaires, la faim, la pollution de l’eau, la surpopulation… Tous ces dangers ont été relégués au second plan face à une menace plus immédiate et planétaire, celle du réchauffement climatique, devenu la mère de toutes les batailles. Mais ainsi faisant, un danger tout aussi imminent et mortel que le climat a été occulté : celui-ci de la résistance des bactéries aux antibiotiques.
Interrogée dans le Guardian, la médecin en chef d’Angleterre, Sally Davies, appelle à ce que la population s’organise pour soulever ce problème qui est aussi, si ce n’est plus grave, que le climat. Le GIEC a expliqué qu’il restait une dizaine d’années au monde sur le climat. Pour plusieurs experts, il reste aussi peu de temps pour réagir sur le problème de cette résistance qui est due à une mauvaise régulation et à une utilisation abusive et incontrôlée dans l’agriculture des antibiotiques.
Un tsunami silencieux
En 2017 déjà, interrogés par Le journal britannique Times Higher Education, 50 prix Nobel mettaient la résistance de bactéries dans le top trois des dangers pour l’Humanité avec le climat et le risque de guerre nucléaire. En 2018, un rapport du Groupe de coordination des Nations Unies sur la résistance aux antimicrobiens (IACG) évoquait d’un tsunami silencieux aux conséquences catastrophiques. Aujourd’hui, 700 000 personnes en meurent chaque année, ce sera 10 millions en 2050.
Mais aucun effort n’est fait pour lutter contre ce danger. Selon Sally Davies, les entreprises pharmaceutiques n’ont pas d’appétit pour développer de nouveaux médicaments et parlent d’une "défaillance systémique". Le développement de nouveaux antibiotiques est de plus en plus complexe et peu rentable. Pour autant, le comité spécialisé de l’ONU appelle les géants mondiaux de la santé à prioriser le bien public, plutôt que le profit.
Le problème est que les décideurs mondiaux ne semblent pas prendre ce danger à sa juste valeur. Selon le dernier rapport du Forum économique mondial de 2019, le risque de maladie infectieuse n’apparaît dans le top 10 des menaces les plus imminentes et n’est qu’à la dixième place en matière d’impact sur la vie humaine, loin derrière les armes de destruction massive, le climat ou encore la qualité de l’eau… Un signe qui montre que, malgré l’appel urgent des médecins et scientifiques, les décideurs ignorent ce danger mondial. C’est pourquoi Sally Davies appelle la population à se motiver sur ce sujet autant qu’elle le fait sur le climat pour éveiller les consciences…
Ludovic Dupin @LudovicDupin