Publié le 09 juin 2015

ENVIRONNEMENT

Préserver l’océan, un enjeu économique... à 24 000 milliards de dollars

Mettre l’océan au cœur des négociations de la Conférence climatique de Paris. C’est le sens de la pétition internationale lancée hier par la plateforme Océan & Climat pour mobiliser les États. L’ONG Green Cross a également publié le même jour une déclaration de Paris, avec des propositions pour sauver l’océan. Un enjeu environnemental mais aussi économique.

Photo d'illustration
Cinoby / istock

Considérer l’espace marin comme un espace foncier, instaurer une fiscalité verte, créer des filières de valorisation des déchets ou encore pérenniser la préservation de l’Antarctique et de l’Arctique : voici quelques-unes des dix-huit propositions retenues dans la "déclaration de Paris". Signée par une trentaine d’acteursde l’économie de la mer, des réseaux de collectivités locales et d’associations, à l’issue d’un colloque organisé pour la journée mondiale de l’océan par l’ONG Green Cross, cette déclaration sera soumise aux parties prenantes de la Conférence climat.

Autre initiative visant elle aussi à mettre l’océan sur la table des négociations : la pétition internationale lancée le même jour par la plateforme Océan & Climat. Créée il y a un an, elle est le fruit d’une alliance entre des ONG, des chercheurs et la Commission océanographique intergouvernementale de l’Unesco.

Son objectif ? Atteindre 100 000 signatures d’ici la fin de l’année pour mobiliser les États.

 

Plus aucun récif corallien en 2050

 

Le message est clair : "Nous sommes en train d’épuiser notre patrimoine océanique, et si la dégradation n’est pas aussi visible que dans les terres, elle est bel et bien là", alerte Philippe Germa, directeur du WWF France, signataire de la déclaration de Paris.  

Dans un rapport publié en avril dernier, l’association de protection de la nature s’inquiète de la surpêche. 90% des stocks halieutiques sont ainsi exploités ou surexploités. Les populations de thon rouge se sont par exemple effondrées de 96% depuis qu’elles sont pêchées.

La diversité biologique marine a reculé de 39% entre 1970 et 2010. 50% des coraux ont disparu et ils pourraient ne plus y en avoir du tout à l'horizon 2050. La mangrove, quant à elle, subit une déforestation trois à cinq fois plus importante que celle des forêts.

"L’océan encourt davantage de risques aujourd’hui qu’à n’importe quel autre moment de notre histoire. Nous prélevons trop de poissons, rejetons trop de polluants, réchauffons et acidifions l’océan au point que les systèmes naturels essentiels vont tout simplement s’arrêter de fonctionner", annonce Ove Hoegh-Guldberg, auteur principal du rapport et directeur du Global Change Institute.

 

L’océan, 7ème pays le plus riche du monde

 

Cela risque d’avoir de graves conséquences sur l’environnement, mais pas seulement.

Dans leur rapport, le WWF, avec le Global Change Institute, et le Boston Consulting Group (BCG) se sont intéressés à la valeur économique du patrimoine océanique. Celui-ci est estimé à 24 000 milliards de dollars, sans commune mesure avec les plus grands fonds souverains du globe. À titre de comparaison, le Fonds de pension gouvernemental de la Norvège est valorisé à 893 milliards de dollars.  

 

 

Si l’on s’intéresse au Produit marin brut (PMB), l’océan se place alors au 7ème rang des pays les plus riches de la planète, entre le Royaume-Uni et le Brésil, avec 2 500 milliards de dollars générés chaque année.

Des arguments qui ont de quoi convaincre les négociateurs climatiques de l’intérêt de préserver cette ressource. Car la valeur du patrimoine océanique dépend pour les 2/3 de sa santé. Il y a donc urgence à agir.  

 

L’ONU appelle à inclure l’océan dans l’agenda de l'après-2015

 

Le WWF appelle les Nations Unies à inscrire la reconstitution des actifs océaniques dans leur agenda de l'après-2015, et notamment dans les objectifs de développement durable (ODD) qui seront adoptés fin septembre lors de l’Assemblée générale de l’ONU.

Son secrétaire général, Ban Ki-moon, a d’ores et déjà souligné, dans un message diffusé hier, que les océans occupent une place centrale dans la stratégie pour un développement durable en cours d'élaboration par la communauté internationale.  

Le WWF appelle également à mettre fin à l’utilisation des énergies fossiles. Réunis en Allemagne les 7 et 8 juin, les pays du G7 se sont prononcés dans ce sens en annonçant la décarbonation complète de l’économie mondiale "au cours de ce siècle".

Enfin, l’ONG mise sur un renforcement de la protection de l’océan à travers la mise en place d’aires marines protégées (AMP).  

 

Aires marines protégées : 920 milliards de dollars de bénéfices

 

Selon un rapport publié il y a quelques jours, toujours par le WWF (et l’Université libre d’Amsterdam), passer à 10% d’aires marines protégées (AMP) dans l’océan d’ici 2020 permettrait de générer 420 milliards de dollars de bénéfices.

Si le taux de 30% est atteint en 2030, les bénéfices seraient alors de 920 milliards de dollars pour la période 2015-2050. Plus de 180 000 emplois seraient créés. Actuellement, les AMP ne représentent que 3,4% des océans. 

"Un océan en bonne santé, c’est un océan qui sauvegarde nos côtes, stocke le carbone, crée des emplois et nourrit des familles", affirme Marco Lambertini, directeur général du WWF International. "Le fait d’accroître les investissements dans les aires protégées est un choix judicieux et raisonnable pour les communautés, les gouvernements, les entreprises et les institutions financières qui se préoccupent de leur rentabilité tout en voulant soutenir une économie bleue durable".

Chaque dollar investi dans la création d’une aire marine protégée engendre des bénéfices trois fois supérieurs au coût, indique également le rapport.

 

Objectif : 20% d'aires marines protégées en 2020 en France

 

Second espace maritime mondial, la France entend jouer un rôle dans la préservation des Océans. C'est ce qu'a rappelé le 9 juin, la ministre du développement durable, Ségolène Royal,lors de la Capitol Hill Ocean Week 2015 à Washington.
"Nous militons pour l’établissement d’un réseau mondial d’aires marines protégées (AMP). Un objectif ambitieux a été assigné pour placer 20 % en 2020 des eaux sous juridiction française en aires marines protégées. Nous en sommes déjà à 16 %." La ministre a également souligné la finalisation d’un réseau de 10 parcs naturels marins et la création de l’une des plus grandes AMP du monde en Nouvelle-Calédonie. Enfin, elle a annoncé qu’elle soumettrait au nom de la France, avec l’Australie et l’Union européenne, une proposition de création d’aire marine protégée en Antarctique de l’Est à la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR).

 

[1] La liste des signataires au 8 juin : ACIDD, ACB – Réseau des bretons d’influence, Armateurs de France, Climates, Club France Développement Durable, Cluster Maritime Français, Collège des Directeurs du Développement Durable, Comité 21, Décider Ensemble, Durapole, European Partners for the Environment, Expédition 7ème continent, Fondation Malpelo et Autres Ecosystèmes Marins, Forum China Europa, GICAN, Green Cross, Institut de l’Economie Circulaire, Institut Michel Serres, Métamorphose Outremers, Ocean Futures Society, Orée, R20, SeaOrbiter, WWF, Pr Robert Bell, Céline Cousteau, Anthony Lecren, Corinne Lepage, Houria Tazi Sadeq, Gino Van Begin.    

Concepcion Alvarez
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