Publié le 12 janvier 2018
ENVIRONNEMENT
Pêche électrique : un boycott impossible
La pêche électrique, qui consiste à électrocuter des poissons, est très contestée par les pêcheurs français et les distributeurs. Intermarché ou encore Poissonnier de France ont décidé de la boycotter. Difficile pourtant de savoir si les poissons ont été capturés avec cette technique. Rien n'oblige les pêcheurs (le plus souvent néerlandais) à l'indiquer sur l'étiquetage des produits. D'autant que la Commission européenne compte encore élargir cette pratique qui bénéficiait jusqu'ici de quelques dérogations seulement.

C’est une technique très décriée par les associations, les consommateurs et même certains distributeurs. La pêche électrique consiste à envoyer, depuis un chalut, des impulsions électriques qui étourdissent et attirent les poissons. Elle permet ainsi de capturer les spécimens plats enfouis. Or l’Union européenne l’avait totalement interdit en 1998. En 2007, elle avait autorisé des dérogations. Elle souhaite aujourd’hui élargir son utilisation.
Face aux protestations soulevées, Intermarché et Agromousquetaires ont décidé de ne plus vendre de produits issus de la pêche électrique. "Les Mousquetaires se sont lancés, il y a plus de 20 ans, dans la pêche, avec l’ambition d’un engagement exemplaire en faveur d’une pêche durable. Technique décriée, la pêche électrique ne s’inscrit pas dans cet engagement", écrit le groupe dans un communiqué.
Pas d'obligation d'indiquer la pêche électrique sur l'étiquetage
Mais se pose un problème de traçabilité. Aujourd’hui, la réglementation européenne oblige les fournisseurs à indiquer les techniques employées... mais la pêche électrique n’est pas concernée par cette injonction. Un consommateur peut donc acheter une sole électrocutée sans le savoir. "La traçabilité systématique des techniques de pêche permettra, de manière sûre, de retirer des approvisionnements les espèces pêchées selon des méthodes contestées", espère le groupe Agromousquetaires.
L’association Poissonnier de France, qui regroupe 6 400 acteurs du secteur, a lui aussi lancé un appel au boycott. "Cette technique de pêche brûle le poisson et court-circuite le pêcheur français", a expliqué à Sud-Ouest le Président de l’association, Aldric Léonard. En effet, les pêcheurs français ne pratiquent pas cette technique, contrairement à leurs confrères des Pays-Bas.
Une affaire de lobbys
Aujourd'hui, la Commission européenne autorise chaque État membre, à titre expérimental, à équiper au maximum 5 % de ses bateaux de pêche de "techniques innovantes", dont la pêche électrique. Mais selon l’association Bloom, qui a porté plainte contre les Pays-Bas auprès de la Commission européenne, "la flotte néerlandaise a équipé 28 % de ses chalutiers".
Bruxelles est d’ailleurs accusée par plusieurs associations d’avoir cédé aux lobbies néerlandais de la pêche industrielle. Dans un communiqué publié le 8 janvier, elles disent avoir trouvé un document du Comité scientifique, technique et économique de la pêche qui "met en garde" contre la pêche électrique. "Non seulement l’organe scientifique de la Commission européenne n’a jamais donné son aval pour de telles dérogations, mais il a même explicitement déconseillé à la Commission européenne d’en accorder !", alertent les associations.
Interdit en Chine
Ces révélations "confirment les dommages dramatiques de la pêche électrique et mettent la lumière sur la perméabilité de la Commission européenne aux lobbies, malgré les alertes scientifiques", a jugé Yannick Jadot, député européen écologiste et membre de la Commission Pêche du Parlement. "Comme de nombreux pays, y compris la Chine, la Commission européenne aurait dû maintenir une interdiction totale de cette pratique très destructrice".
Plusieurs parlementaires ont ainsi demandé une audition en urgence à la Commission pour "qu’elle s’explique sur cette décision scandaleuse". Le Parlement devait valider le 16 janvier la décision de la Commission de la Pêche qui souhaitait généraliser la pêche électrique dans l’Union européenne. Yannick Jadot s’est engagé à demander un report du vote.
Marina Fabre, @fabre_marina