Publié le 19 février 2018

ENVIRONNEMENT

La transition énergétique ouvre une nouvelle page de l’histoire minière française

C’est la face cachée de la transition énergétique, celle qu’on ne veut pas regarder de trop près car elle dérange. Dans nos éoliennes, nos panneaux solaires ou encore dans les batteries de nos voitures électriques, il y a des métaux stratégiques extraits pour la grande majorité en Chine dans des conditions environnementales désastreuses. Se pose alors la question de la réouverture de mines en France, forcément plus propres mais très difficiles à faire accepter par la population.

En France, une quinzaine de permis d'exploration ont été octroyés pour rechercher des métaux.
@Rio Tinto

Nous n’allons plus regarder nos pieds de la même façon… Car dans nos sous-sols se cache potentiellement un trésor insoupçonné. Si les dernières mines - de charbon en Lorraine et d’or en Languedoc-Roussillon - ont fermé en 2004, un regain extractif a vu le jour à la fin des années 2010. Pour la première fois en trente ans, des permis d’exploration ont de nouveau été octroyés dans l’Hexagone ainsi qu’une douzaine de permis exclusifs de recherches de mines pour trouver des métaux.

En cause, l’envolée du prix des métaux au niveau mondial et une réduction des exportations de certains d’entre eux par la Chine dont nous sommes très fortement dépendants. Cela a poussé Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, à lancer en 2014 une compagnie nationale des mines. Stratégie reprise l’année suivante par le ministre de l’Économie de l’époque, Emmanuel Macron, qui crée un comité "mine responsable" et assure que la France "va rouvrir des mines".

Hypocrisie

"La France est un monstre géologique en sommeil", soutient Michel Bonnemaison, président des Mines du Salat. Il travaille actuellement sur un projet de mine de tungstène dans l’Ariège, qui pourrait selon lui se classer dans le top 3 mondial et couvrir nos besoins au niveau national. Ce matériau, actuellement produit à 84 % par la Chine, est notamment indispensable à l’industrie high-tech, qui va de pair avec la transition énergétique (smart grids, voitures autonomies, objets connectés…).

"Nous pourrions potentiellement ouvrir une dizaine de mines sur notre territoire, confirme Charles Nicolas, géologue au sein du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières). Mais nous préférons être hypocrites et importer ces minerais de pays beaucoup moins regardants sur le plan environnemental. Nous parlons beaucoup d’énergies renouvelables mais pour fabriquer nos éoliennes, nos voitures électriques, nos panneaux solaires, nous avons besoin de métaux et donc de mines." 

Germinal

La simple évocation de la réouverture de mines provoque en France une véritable réaction épidermique. "Dans la tête des gens, les mines c’est Germinal, poursuit Charles Nicolas, mais on a fait énormément de progrès depuis. Comme toute activité industrielle, les mines ont un impact environnemental mais qu’on sait limiter au maximum et qu’on maîtrise bien mieux que par le passé." 

C’est le fameux concept de "mine responsable" cher à Emmanuel Macron, mais pourfendu par les opposants. Sur le terrain, la riposte s’organise et les collectifs citoyens se multiplient contre la réouverture de mines métallifères en Bretagne ou dans le Limousin où des recours ont été déposés devant le tribunal administratif pour contester l’octroi des permis d’exploration. De quoi décourager entrepreneurs et investisseurs.

Des mines tous azimuts

"Il serait plus simple de miser davantage sur le recyclage", estime Philippe Bihouix, ingénieur spécialiste des métaux et auteur de "L’âge des low tech". Actuellement les terres rares et certains métaux high-tech ne sont recyclés qu’à moins de 1 %. "Mais il est souvent plus cher de recycler que d’extraire des métaux des mines. Pour rendre le recyclage plus compétitif, il faudrait donc faire monter le prix des métaux et pour cela fermer des mines ou éviter d'en ouvrir de nouvelles." 

Une explication qui ne tient pas dans un marché dominé par la Chine où la loi de l’offre et de la demande n’existe pas. "Ce sont les Chinois qui décident du prix des métaux car ils sont en position quasi monopolistique. Ils n’auront donc aucun problème à baisser artificiellement les prix pour conserver ce marché d’avenir car ils savent tout ce qu’ils ont à y gagner", rétorque Guillaume Pitron, journaliste et auteur de "La guerre des métaux, la face cachée de la transition énergétique et numérique". 

Selon le CNRS, il faudra plus de métaux dans les 30 prochaines années que ce qu’ont consommé les 500 générations précédentes. "Pour répondre à ces besoins exponentiels, il faudra effectivement améliorer le recyclage, mieux éco-concevoir les produits, développer des stratégies de substitution, lutter contre l’obsolescence programmée, mais aussi ouvrir des mines tous azimuts, conclut Guillaume Pitron. Ici et ailleurs."

Concepcion Alvarez @conce1


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