Publié le 04 août 2023

ENVIRONNEMENT

Google accusé de piller l'eau potable en Uruguay, en pleine pénurie

En proie à une intense sécheresse, l'Uruguay ne peut plus compter sur ses réserves d'eau potable. Le liquide qui coule des robinets de la capitale Montevideo est salé et nauséabond depuis plusieurs mois. Dans ce contexte, l'installation d'un nouveau data center par Google, très gourmand en eau, ne passe pas. Sa consommation journalière prévue initialement équivalait à celle de 55 000 habitants.

Penurie d eau montevideo eitan abramovich
Le projet de data center de Google en Uruguay n'a fait qu'attiser la colère de la population qui manifeste pour une meilleure gestion de cette ressource vitale devenue rare dans le pays.
@Eitan Abramovich / AFP

Depuis mai 2023, plus de la moitié des habitants de l'Uruguay, soit 1,7 million de personnes, doivent se contenter d'une eau salée. C'est "la pire pénurie d'eau depuis 74 ans", affirme le gouvernement. Dans ce contexte, le projet de data center de Google dans le pays, refroidi grâce à ce précieux or bleu, ne fait qu'attiser le colère. Des tags "pillage" décorent les murs des rues pour protester contre un accaparement de l'eau par des entreprises privées.

Le projet initial était particulièrement gourmand en eau. Il visait l'utilisation de 7,6 millions de litres d'eau chaque jour, selon le ministère de l'environnement, soit l'équivalent de la consommation domestique de 55 000 personnes, rapporte le Guardian. L'eau est utilisée pour remplacer la climatisation et ainsi réduire la consommation énergétique des data centers, argumente Google. Le problème, c'est qu'elle ne peut pas revenir dans le réseau domestique.

"Une grande partie de l'eau s'évapore"

"Une grande partie de l'eau s'évapore dans le processus. Pulvérisée, elle sert au refroidissement lors des pics de chaleur, explique à Novethic Jessica Le Goff, cheffe de projet Numérique Responsable chez APL, société de conseil spécialisée dans la conception et la réalisation de data centers. Ces systèmes extrêmement consommateurs d'eau ne sont pas ceux que l'on recommande. Il est préférable de répartir les salles de serveurs en plus petites unités pour réduire le besoin"

Il est aussi possible de s'approvisionner avec des eaux usées, ce que fait Google pour 25% de ses data centers, cependant ce n'est pas une solution miracle. "Les volumes à collecter et à stocker sont très significatifs", alerte la cheffe de projet. 

Un plus petit projet de data center est à l'étude selon le gouvernement uruguayen. Interrogé par Novethic, Google affirme que les "équipes techniques travaillent en amont avec les autorités locales et nationales pour déterminer la meilleure marche à suivre". Mais l'annulation du projet ne semble pas d'actualité. Pour cause, "l'Amérique du Sud a besoin d'accéder à Internet. Aujourd'hui, pour améliorer la fiabilité et la disponibilité, il y a une tendance à rapprocher les serveurs des utilisateurs", explique Jessica Le Goff. 

Google "positif en eau en 2030" : un engagement flou

L'entreprise Google affirme dans son rapport de développement durable 2023 qu'elle "évalue et prend en compte le stress hydrique local pour décider de l'emplacement des installations". 82% de ses data centers se situent ainsi dans des zones où le stress hydrique est bas, affirme le géant des GAFAM. Cependant, il n'y a pas d'engagement chiffré pour augmenter cette part, la compagnie affichant l'objectif d'être "positif en eau en 2030". Elle affirme ainsi vouloir "retourner 120% de l'eau consommée dans ses campus et ses centres de données", principalement en soutenant des projets d'amélioration de la gestion de l'eau, sans préciser où. Contacté par Novethic, Google n'a pas souhaité commenter.

Or avec le réchauffement climatique, le besoin de refroidir les data centers augmente. Par exemple, Microsoft a défrayé la chronique aux Pays-Bas avec une consommation de 84 millions de litres sur l'année, soit 4 à 7 fois plus qu'initialement prévu, a révélé le média local Noordhollands Dagblad"Jusqu'ici on a eu recours à l'eau parce qu'on considérait la ressource moins précieuse qu'aujourd'hui", note Jessica Le Goff. 

Google n'est pas la seule entreprise pointée du doigt en Uruguay. "Seule une infime partie de l'eau en Uruguay est utilisée pour la consommation humaine. La majeure partie est utilisée pour les grandes industries agroalimentaires, telles que le soja, le riz et la pulpe de bois" a expliqué Daniel Pena, chercheur à l'université de Montevideo, au Guardian. Par exemple, la société finlandaise UPM a lancé la plus grande usine de pâte à papier au monde en Uruguay en 2023, avec une utilisation d'eau estimée à 129 millions de litres par jour.

Fanny Breuneval


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