Publié le 28 mai 2020
ENVIRONNEMENT
Des ONG dénoncent un arrêté permettant de "contourner les règles environnementales" en France
Plusieurs ONG ont annoncé déposer un recours devant le Conseil d'État contre un récent décret permettant aux préfets de "déroger" à des normes, notamment environnementales, pour autoriser certains projets. Les associations craignent notamment que cela facilite les infrastructures minières en Guyane.

@CCO
Publié le 8 avril, en plein confinement, un décret autorise les préfets de département et de région à "déroger aux normes arrêtées par l'administration de l'État pour un motif d'intérêt général". L’objectif est de déroger à ces normes "afin de tenir compte dans certaines conditions, des circonstances locales", dans divers domaines tels que l’environnement, l’agriculture et la forêt, l’aménagement du territoire, la construction et l’urbanisme. Il fait suite à une expérimentation menée pendant deux ans à partir de 2017.
Une procédure que plusieurs associations dénoncent comme un "passe-droit particulièrement dangereuse sur certains territoires déjà soumis à une forte pression de la part des industriels". En ligne de mire notamment : les mines de Guyane, estiment-elle. Dans un communiqué commun, Les Amis de la Terre, Notre Affaire à tous, Wild Legal et Maiouri Nature Guyane annoncent donc déposer un recours devant le Conseil d’Etat pour obtenir l’annulation du décret.
Des projets exonérés d’études d’impacts ?
"Dans une période de “relance économique”, où les projets polluants sont amenés à se multiplier, ce décret peut être dévastateur en matière environnementale. En effet sous couvert d’intérêt général et de procédure accélérée, certains projets pourront être exonérés de procédure d’autorisation, et donc parfois même d’étude d’impact", détaille Chloé Gerbier, juriste de l’association Notre Affaire à Tous.
Pour les juristes des associations, le dispositif contrevient à la Constitution. D’une part, il remet "en question le principe d’égalité devant la loi" car "des projets identiques pourraient être soumis à des obligations différentes selon les départements". D’autre part, il ne respecte pas "la séparation des pouvoirs, car il permet à l'exécutif (représenté par le préfet) de délivrer, au cas par cas, des 'dispenses' de législation qui sont d’ordinaire du domaine réservé du législateur". Enfin, la formulation imprécise du décret et son champ d’application vaste "vont à l’encontre de l’objectif de clarté et d'intelligibilité de la loi".
Les Amis de la Terre avaient déjà contesté le premier décret de 2017 expérimentant cette procédure, une requête rejetée en juin 2019 par le Conseil d'Etat qui avait estimé que l'objet des dérogations était "limité". Selon les ONG, la période d'expérimentation a déjà permis 183 arrêtés dérogatoires.
Béatrice Héraud avec AFP