Publié le 27 mars 2022
ENVIRONNEMENT
Nucléaire, chasse au gaspi...comment les chocs pétroliers ont déterminé nos modèles économiques
La flambée des prix des matières premières ravive les souvenirs des chocs pétroliers de 1973 et 1979. Les gouvernements sont acculés à faire des choix économiques et sociaux déterminants. De telles décisions avaient déjà modelé les sociétés après les précédents chocs pétroliers où la France avait notamment fait le choix du nucléaire pour réduire sa dépendance au pétrole.

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La crise énergétique actuelle est "comparable en intensité, en brutalité, au choc pétrolier de 1973", a récemment assuré Bruno Le Maire. Un constat partagé par de nombreux économistes. "Au regard de l'évolution des prix de l'énergie, la comparaison avec le premier choc pétrolier peut être éclairante", confirme Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum asset management. "La France et les autres pays européens sont face à un choix structurant", ajoute-t-il. Pour éviter de déstabiliser les économies occidentales, les gouvernements prennent en effet des mesures qui pourraient se révéler déterminantes pour notre avenir commun, comme en 1973.
Dans l’immédiat, le gouvernement multiplie les appels à réduire les consommations d’énergie. Bruno Le Maire encourage par exemple les Français à baisser le chauffage dans les logements. L’Agence Internationale de l’Énergie a formulé dix recommandations qui vont dans le même sens, dont une réduction de la vitesse sur autoroute ou une incitation à prendre le train et non l'avion. Une baisse de la vitesse de 5 à 10 km/h sur les routes et une réduction de 10% du kilométrage annuel de chacun d'entre nous permettrait d'économiser la totalité des importations de pétrole russe, encourage l’ONG Négawatt.
Les Pays-bas font le choix du vélo au lendemain du 1e choc pétrolier
Déjà en 1973, les autorités sensibilisaient les citoyens à la chasse au gaspi. Les premières mesures d’économie d’énergie apparaissent en 1973 avec le plafonnement du chauffage à 20 °C ou les limitations de vitesse à 130 km/h sur les autoroutes, 120 km/h sur les voies express et 90 km/h sur les routes. Par ailleurs, les courses automobiles sont interdites tout comme la publicité lumineuse et l'éclairage des vitrines et des bureaux inoccupés entre 22 heures et 7 heures du matin. Les programmes TV s'arrêtaient à 23 heures (sauf les week-end et jours fériés) et le changement d’heure est instauré en 1976 pour faciliter les économies d’énergie. Certaines mesures sont toujours en vigueur.
Par ailleurs, les ventes de voitures chutent en 1973 même en France au profit du vélo où "les mollets remplacent le carburant" selon les slogans de l’époque ! Les pays du Nord sont pris par la même fureur pour la petite reine. En France, l’enthousiasme pour le vélo est de courte durée contrairement au pays du Nord notamment qui prennent des mesures décisives comme le développement des pistes cyclables. Ces choix ont durablement marqué les cultures puisqu’aujourd'hui, selon différentes estimations, près de 5% des personnes de plus de 15 ans en France font du vélo quotidiennement contre 30% au Danemark et 43% aux Pays-Bas.
Diversifier les mix énergétiques
Plus structurant encore, les chocs pétroliers incitent les économies occidentales à diversifier leurs mix énergétiques. "La guerre de Poutine démontre la nécessité d'accélérer la transition vers une énergie propre", résume Frans Timmermans, le commissaire chargé du "Green deal" lors de la présentation des pistes de l'Union européenne pour diviser par trois les importations d'énergie russes. Les décisions prises aujourd’hui pourraient ainsi être déterminantes pour les années à venir.
En 1973, les économies occidentales s’étaient mobilisées pour diversifier leur approvisionnement en énergie et ainsi moins dépendre du pétrole du golfe Arabo-Persique. La France et le Japon font alors le choix du nucléaire. L’Hexagone lance ainsi son programme de construction de centrales nucléaires planifiées. D’autres pays se sont tournés vers le gaz naturel, qui pèse actuellement 20% de la consommation finale d’énergie mondiale contre 8% il y a cinquante ans. Les premiers chocs pétroliers font aussi bondir les investissements pour l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, comme le pétrole et le gaz de schiste, mais aussi pour les énergies renouvelables.
Mathilde Golla @Mathgolla