Publié le 06 novembre 2014
ENVIRONNEMENT
Au Brésil, la lutte contre la déforestation n’est plus une priorité gouvernementale
La déforestation est repartie à la hausse au Brésil. Ce revirement de situation constaté l’année dernière, après 8ans de baisse, est alarmant. Tout occupée à la relance économique du pays, la présidente du Brésil Dilma Roussef, réélue le 26 octobre dernier, semble avoir relégué le dossier de la lutte contre la déforestation dans le bas de la pile des priorités. Les associations environnementales et les scientifiques rappellent les urgences et avancent des solutions.

© Rodrigo Baleia / AE / Agencia Estado / AFP
Les chiffres sont éloquents: entre août 2012 et septembre 2013, 5 800 km2 de forêt ont disparu en Amazonie, dont les deux tiers sont situés sur le territoire brésilien. Ce qui équivaut à une hausse de près de 30% sur cette période. Et cette déforestation s’accélère: en septembre dernier, l’Institut Imazon (Institut de l’homme et de l’environnement d’Amazonie) a fait état d’une hausse des destructions de forêts de 191% par rapport au même mois de l’année précédente !
Pourtant, entre 2004 et 2012, la politique brésilienne de lutte contre la déforestation a prouvé son efficacité. Durant cette période, plus de 300 "Unités de conservation environnementales (UC)", que l’on peut assimiler à des zones protégées, ont été définies sur le territoire amazonien et "la législation y a été mieux appliquée", estime Paulo Barreto, chercheur à l’Institut Imazon. Résultat, la déforestation a ralenti de 74% en huit ans.
Une révision laxiste du Code forestier
Selon le chercheur, la raison principale de ce retour à la hausse est l’approbation en 2012 de la révision du Code forestier brésilien. Adoptée pour la première fois en 1965 et jamais remaniée depuis, cette législation était jusqu’alors plutôt exigeante en matière de protection de la forêt – même si elle était mal appliquée. Mais sa révision, influencée notamment par le groupe parlementaire des "ruralistes", composé de députés et sénateurs propriétaires terriens, l’a rendue plus laxiste. Par exemple, les propriétaires ne seront plus obligés de reboiser les terrains qui ont été déforestés avant 2008.
La surveillance des zones protégées, réalisée presque uniquement par satellites, présente aussi des failles. Récemment, Greenpeace a pu tracer des camions soupçonnés de bûcheronnage illégal entre des sites théoriquement protégés et des scieries situées dans le port amazonien de Santarém (Brésil) grâce à des balises GPS que l’organisation écologiste avait installés sur les véhicules. L’Etat brésilien du Para, lui, ne les avait pas repérés…
Cette situation préoccupante ne semble pourtant pas faire partie des dossiers urgents qui attendent Dilma Rousseff, la présidente réélue le 26 octobre dernier, même si elle a annoncé la création de quatre nouvelles zones protégées en Amazonie. En pleine campagne électorale, en marge du Sommet sur le climat qui a eu lieu à New York en septembre, elle a même refusé de signer un accord conclu entre plusieurs pays qui les engage à une déforestation zéro sur leur territoire. Face à la communauté internationale, la présidente s’est alors bornée à rappeler le bon bilan du Brésil en matière de déforestation, sans évoquer le retour à la hausse enregistrée depuis l’an dernier. Pour Paulo Barreto, le message est clair : "la priorité aujourd’hui pour la présidente c’est de redresser la croissance, pas de lutter contre la déforestation".
Alerte sur plusieurs chantiers urgents
Pourtant, l’urgence est là et le gouvernement doit en prendre la mesure, selon Rita Mesquita, biologiste et ex-secrétaire adjointe de la gestion environnementale au ministère de l’Environnement de l’Etat d’Amazonas (2004-2008). Pour elle, plusieurs chantiers doivent être menés: "Il faut poursuivre la création des unités de conservation et y développer des activités rentables pour montrer qu’on peut gagner de l’argent tout en respectant l’environnement dans ces zones." L’écotourisme par exemple.
Pour Paulo Barreto, il faut aussi améliorer l’application des amendes et des peines et augmenter un impôt, déjà existant mais très peu élevé, sur les terres rurales non construites. Cela dissuaderait les "spéculateurs" qui parient sur la valorisation des terres amazoniennes et se les approprient en les déboisant, estime le chercheur.
"L’Amazonie n’est pas la seule forêt en danger", rappelle aussi Rita Mesquita. C’est notamment le cas de la forêt Atlantique, qui borde l’Océan au sud-est du pays et dont il ne reste que 7% de sa superficie initiale. "La forêt a été complètement détruite, il faut la restaurer et créer un 'pacte de conservation' avec les acteurs locaux. Or cette forêt est essentielle, car elle recouvrait des zones où se loge la source de nombreux fleuves dont certains affluents sont déjà à sec."
Une sécheresse qui touche précisément le sud-est du pays, et que certains scientifiques relient à la déforestation.