Publié le 29 septembre 2015

ENVIRONNEMENT

Quotas de CO2 : l’engagement de la Chine risque de rester lettre morte

Pour sa première visite d’Etat à la Maison Blanche le 25 septembre dernier, le Président chinois Xi Jinping a annoncé la création d’un marché de quotas de CO2 dans son pays à l’horizon 2017, qui deviendrait alors le plus grand au monde. Un engagement concret dans la lutte contre le réchauffement climatique et une très bonne nouvelle pour les organisateurs de la Conférence mondiale de Paris pour le climat, la COP 21, qui aura lieu dans deux mois. Mais pour que cette annonce soit suivie d’effets, l’Etat le plus pollueur de la planète a encore de nombreux défis à relever.

Le président chinois Xi Jinping au siège des nations-Unies à New-York le 28 septembre 2015.
Pang Xinglei / XINHUA / AFP

Il devrait représenter plus de deux fois les volumes de CO2 négociés en Europe, soit le plus grand marché actuel d’émissions de carbone au monde. La Chine, premier pollueur mondial, va lancer un programme national d’échange de permis d’émission de CO2 en 2017, a déclaré le Président chinois Xi Jinping vendredi 25 septembre.

A peine un an après leur annonce commune d’un objectif de limitation de leurs émissions de gaz à effet de serre, Xi Jinping a à nouveau choisi une visite officielle pour lancer cette mesure ambitieuse. Deux mois avant la Conférence climat qui se tiendra à Paris, les deux premières puissances mondiales, responsables à elles deux de plus de 40% d’émissions de gaz à effet de serre de la planète, confirment leur engagement.

 

Manque de transparence

 

La Chine avait déjà mis en place une vaste expérimentation dans sept zones pilotes. A Pékin, Shanghai, mais aussi à Shenzhen ou encore dans les provinces du Hubei et du Guangdong, les usines polluantes des secteurs de la métallurgie, de la pétrochimie, du textile et de la production électrique doivent payer pour chaque tonne de CO2 émise. Elles peuvent également s’acheter et se vendre des crédits carbone. Additionnés, ces marchés représentent déjà en volume le deuxième marché carbone du monde, derrière l’Europe. Mais la situation chinoise est très disparate: les prix de la tonne de CO2 à Shenzhen sont six fois plus élevés que dans le Hubei.

Globalement, les prix ont peu augmenté. Dans ces zones pilotes, les autorités ont souvent donné les permis gratuitement dans un premier temps, mais le ralentissement économique en cours depuis le début de cette expérimentation n’a pas vraiment aidé à relever le prix de la tonne.

Dans une étude menée sur trois zones pilotes en 2014, quatre chercheurs de l’institut de recherche Resources for the future pointaient du doigt le manque de fondations légales solides, le manque de transparence lors de l’allocation des permis d’émission et la délivrance gratuite de ces permis.

"Ce sont des projets pilotes", nuance Wu Changhua, qui dirige la branche chinoise de l’Organisation non gouvernementale The Climate group. "Je ne dirais pas qu’ils ont été efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais ils ont permis de développer de l’expertise, des normes et des infrastructures précieuses. Et cela a permis de faire passer un message important : que le CO2 n’est pas gratuit."

 

Le secteur des transports laissé de côté

 

Le système décrit par le Président chinois concernera les secteurs de l’énergie, de la métallurgie, du ciment et du papier. Le secteur des transports, pourtant très polluant, a quant à lui été laissé de côté.

"Les secteurs choisis sont ceux qui ont des statistiques relativement fiables", analyse Wu Changhua. "Il n’empêche, pour beaucoup d’experts, le manque de fiabilité des statistiques chinoises, régulièrement pointé du doigt aussi bien au sujet de l’économie que des émissions du pays, sera un défi majeur". "Nous ne savons même pas précisément combien d’énergie nous consommons, alors comment peut-on avancer vers le trading?", demande Yang Fuqiang, analyste en chef de l’ONG Natural Resources Defense Council, à Pékin, cité par le New York Times.

Car faire fonctionner un tel marché carbone est loin d’être facile. En attestent les difficultés du marché européen, qui cherche encore un moyen de stabiliser le cours de la tonne de carbone

"Le défi, ce n’est pas le système d’échange lui-même", résume Wu Changhua : "c’est tout ce qu’il y a à mettre en place avant". 

Le fait que le Président Xi Jinping ait fait l’annonce lui-même et devant les médias étrangers, au lieu de la laisser à son Premier ministre ou au ministère de l’Environnement, est tout de même la garantie que tous les efforts seront faits pour que ce système soit un succès. Reste à savoir s’ils seront suffisants pour porter leurs fruits.

 

 

Simon Leplâtre, correspondant à Pékin.
© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

Pour aller plus loin

Carbon Risk : une application pour mesurer l'urgence climatique

Comment rendre concrets les impacts économiques et financiers du réchauffement climatique? C'est en essayant de répondre à cette question que notre application "Carbon Risk"est...

Climat : une semaine riche en engagements à New York

Sommet sur le développement durable, "Climate week", 70e assemblée générale de l'ONU ou encore Forum pour le secteur privé : New York a été le théâtre de plusieurs rendez-vous internationaux importants ces derniers jours. Avec à la clé une série d'engagements forts de pays comme les...

Les bases d’un bon prix du carbone selon la Banque mondiale

Fixer un prix du carbone est de plus en plus courant dans le monde. 39 pays et 23 entités sub-nationales l’ont déjà adopté, que ce soit au travers d'un marché carbone ou une taxe. C’est ce que révèle un rapport de la Banque mondiale qui publie aussi, avec l’OCDE et le FMI, une étude sur...

Climate Week New York : l’ONU lance son initiative de compensation carbone

Carbone Neutral Now ! Le nom de l’initiative sonne comme un slogan. C’est l’œuvre de l’ONU qui appelle ainsi les entreprises et les particuliers à réduire leur empreinte carbone par le biais d’un...

En Chine, 66 000 morts dans des accidents industriels en 2014

Tous les ans en Chine, de grands accidents industriels,

comme...

Charbon : un risque pour les investisseurs selon Standard & Poor’s

Le charbon peut constituer un investissement risqué. C’est ce qu’affirme l’agence de notation Standard & Poor’s dans un rapport publié fin août. En cause : la demande, plus faible que prévue, qui va continuer à décliner et la montée en puissance du débat sur le réchauffement climatique...

Explosion d'un entrepôt de produits chimiques en Chine: la sécurité industrielle une nouvelle fois questionnée

Un nouvel accident industriel s’est produit dans la nuit de mercredi à jeudi en Chine, dans la ville portuaire de Tianjin. Pour le moment, l’enquête privilégie une négligence et la police est en train d’entendre les cadres de l’entrepôt, où deux gigantesques explosions ont fait au moins 50...

ENVIRONNEMENT

Pollution

Fleuves impropres à la consommation, terres stériles, produits toxiques déversés massivement, la liste des pollutions de toutes natures est longue. Les initiatives visant à les réduire se font plus nombreuses mais elles restent très inférieures aux besoins.

L’Union européenne reconnaît le crime d’écocide dans son droit pénal, une décision historique

C'est la fin de l'impunité pour les criminels environnementaux, veut croire Marie Toussaint, eurodéputée Les Verts qui défend depuis des années la reconnaissance du crime d'écocide. Jeudi 16 novembre, à l'initiative de la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne, un accord a été trouvé...

Paillettes Unsplash

Pollution plastique : l’Union européenne veut éviter le rejet de 500 000 tonnes de microparticules

Il sera bientôt impossible d’acheter des paillettes libres ou des produits contenant des microbilles. Une mesure de la Commission européenne, entrée en vigueur le 17 octobre, interdit la vente de ces microparticules de plastique et prévoit le retrait progressif de tous les produits en contenant...

Lacs

Après les algues vertes sur les plages, voici les algues bleues dans les lacs des montagnes

Nos hauts sommets sont-ils aussi malades ? Un signal d’alarme vient d’être lancé par une équipe de chercheurs de l’Institut national polytechnique (INP) de Toulouse. Dans une étude publiée récemment, ils alertent sur la prolifération des cyanobactéries, ou "algues bleues", dans les lacs de haute...

Trafic automobile pollution de l air bouchons voitures istock

Normes antipollution : nouvelle attaque contre le Pacte vert européen

La lutte contre la pollution de l'air attendra... Les pays de l'UE se sont accordés sur les contours de la nouvelle norme Euro 7 qui fixent des limites de pollution aux véhicules. Mais face à la levée de boucliers des constructeurs automobiles, acculés par la fin des véhicules thermiques, les...