Publié le 18 décembre 2019
ENVIRONNEMENT
Rejetée par le gouvernement, la reconnaissance du crime d’écocide est loin d'être enterrée
Le 12 décembre dernier, à la veille de la clôture de la COP25, les députés français ont rejeté la reconnaissance du crime d’écocide dans le droit pénal. Mais les débats dans l'hémicycle ont fait apparaître un réel intérêt pour le sujet de façon transpartisane. Un rapport doit par ailleurs être rendu public début 2020 sur l’effectivité du droit de l’environnement. L’occasion peut-être d’aller plus loin.

@CC0
L’Assemblée nationale a de nouveau rejeté la proposition de loi pour la reconnaissance du crime d’écocide, portée par le député socialiste Christophe Bouillon. Mais l’idée n’est pas pour autant enterrée. Les débats au sein de l’hémicycle ont permis de faire émerger un vif intérêt pour le sujet, sur les bancs du Modem ou encore des Républicains.
"Le texte a donné lieu à des échanges ambitieux concernant la reconnaissance des limites planétaires, du crime d’écocide et des droits de la nature, note l’association Notre affaire à tous dans un communiqué. Les débats ont permis d’aborder ces sujets en profondeur et de poser une réflexion très poussée sur le changement de paradigme que représenterait la reconnaissance du crime d’écocide."
Des amendements relatifs à la personnalité juridique de la nature
Plusieurs amendements relatifs à la personnalité juridique de la nature – tous rejetés ou non soutenus – ont été déposés par les députés Nadia Ramassamy (LR) ou Paul-André Colombani (Libertés et Territoires) demandant au gouvernement un rapport concernant la reconnaissance de droits intrinsèques à certains écosystèmes. Le Modem, par la voix d’Erwan Balanant, a également déposé un amendement en ce sens.
"J’estime qu’il nous faut changer de paradigme et remodeler profondément notre droit et notre rapport à la nature. Oui, la France doit prendre toute sa part sur ce sujet et montrer l’exemple. Une refonte de notre appareil judiciaire s’avérera bien plus efficace pour améliorer l’effectivité du droit de l’environnement", explique le député centriste.
Il propose de créer une personnalité juridique des écosystèmes vivants, un Défenseur de la nature, la mise en place de nouvelles incriminations pénales, dont celle de l’écocide, et la création de parquets spécialisés. "Le 12 décembre 2019 pourrait être le premier jour d’une vaste réflexion autour de ce changement de paradigme juridique s’agissant de notre rapport à la nature" a-t-il lancé.
Mission sur l'effectivité du droit environnemental
Réaction inchangée de la part du gouvernement, représenté par Nicole Belloubet : la bataille doit se mener au niveau international. "J’ai eu l’occasion de lire, dans des revues de droit extrêmement sérieuses, des articles qui s’interrogeaient sur la possibilité de reconnaître la personnalité morale à une forêt, à un fleuve ou à d’autres entités. Je sais même que dans certains pays, des tribunaux accordent la personnalité juridique à des arbres que l’on veut protéger en raison de leur qualité singulière, voire à des animaux. Notre système juridique n’est pas celui-là, mais vous posez une question qui mérite toute notre attention", a toutefois concédé la Garde des Sceaux.
La ministre fait valoir qu’un rapport sur l’effectivité du droit de l’environnement, confié à l’Inspection générale de la justice et au Conseil général de l’environnement et du développement durable, a été remis au gouvernement et qu’il donnera lieu au début de l’année 2020 à des propositions concrètes. "Je crois que nous vous apporterons des réponses susceptibles de rejoindre vos objectifs" précise encore Nicole Belloubet. Le rapport doit notamment permettre d’évaluer l’intérêt d’une spécialisation des magistrats chargés de la répression des atteintes à l’environnement.
À la veille du débat dans l’hémicycle, une soixantaine de responsables politiques et d'intellectuels ont appelé dans une tribune, publiée dans Libération, à reconnaître l’écocide au même rang que les crimes contre l’humanité. "Une dizaine de pays ont déjà reconnu l’écocide, comme le Vietnam qui l’a inscrit en 1990 de manière pionnière dans son code pénal en le définissant comme un crime contre l’humanité commis par destruction de l’environnement, en temps de paix comme en temps de guerre. Pourquoi pas la France ?"
Concepcion Alvarez @conce1