Publié le 25 janvier 2021
ENVIRONNEMENT
Écocide : l'agent orange, déversé pendant la guerre du Vietnam, devant la justice française
C'est un procès historique et très attendu qui s'est ouvert ce lundi 25 janvier devant le tribunal d'Evry, en région parisienne. À la barre, Tran To Nga, une Franco-Vietnamienne de 78 ans, victime de l'agent orange, cet herbicide ultra-puissant déversé au Vietnam par l’armée américaine entre 1961 et 1971. Elle affrontera une dizaine de firmes multinationales, parmi lesquelles Dow Chemical ou Bayer Monsanto, qui ont fabriqué et commercialisé ce produit aux dégâts irréversibles sur la santé.

Brian K. Grigsby @CC0
C’est le combat d’une septuagénaire Franco-Vietnamienne contre une dizaine d’entreprises agrochimiques ayant fabriqué et commercialisé l’agent orange. Cet herbicide ultra-puissant a été déversé au Vietnam par l’armée américaine entre 1961 et 1971 pour détruire les forêts où se réfugiaient les combattants communistes et leur couper les vivres. Plus de 80 millions de litres auraient ainsi été répandus, causant des dégâts irréversibles.
Parmi les près de cinq millions de victimes directes de l’agent orange, Tran To Nga, née en 1942 dans l'Indochine française et engagée pendant le conflit dans le camp du Nord, sera assise sur le banc de la défense dans un procès historique qui s’est ouvert ce lundi 25 janvier au tribunal d’Évry, dans l’Essonne. Cancer du sein, diabète de type 2, taux de dioxine élevé dans le sang, hypertension, tuberculose, anomalie génétique, … elle mène là "le dernier combat de sa vie" pour ses enfants, atteintes de malformations – sa fille aînée est morte à quelques mois – et les millions de victimes.
Vers une reconnaissance du crime d’écocide
Les conséquences sanitaires de l’agent orange, qui s'attaque au système immunitaire, se transmettent aux générations ultérieures, ce qui constitue une véritable "extermination familiale", juge Tran To Nga. Environ "6 000 enfants naissent au Vietnam avec des malformations congénitales" par an, renchérit Valérie Cabanes, juriste en droit international. Elle rappelle que cette dioxine a une puissance toxique "absolument phénoménale", 13 fois plus importante que les herbicides civils comme le glyphosate par exemple.
Jusqu’à ce jour, seuls d'anciens combattants américains, australiens et coréens qui ont combattu au Vietnam, ont été indemnisés lors de procès entre 1987 et 2013. "La reconnaissance de victimes civiles vietnamiennes créera un précédent juridique" si la responsabilité des multinationales est établie, indique Valérie Cabanes, et permettra de participer à la reconnaissance internationale du crime "d'écocide".
Bayer, qui fait partie des multinationales accusées, explique que "l'agent orange" avait "été fabriqué sous la seule direction du gouvernement américain à des fins exclusivement militaires". C’est donc lui qui "est responsable, et non les fournisseurs en temps de guerre, de son utilisation" argumente le groupe. La plaignante et ses conseils arguent au contraire que l'Etat américain a été dupé par ces firmes sur la toxicité de l'agent orange. A l'audience ce lundi, les conseils des multinationales ont plaidé l'incompétence du tribunal d'Evry pour traiter de ce dossier.
Concepcion Alvarez @conce1 avec AFP