Publié le 10 septembre 2015
ENVIRONNEMENT
Smartphones : face à la course au renouvellement, les entreprises de reconditionnement font leur place
Alors qu’Apple vient de présenter le dernier iPhone lors de sa traditionnelle conférence de rentrée, la filière du reconditionnement de téléphones portables présente de son côté un label destiné à garantir la qualité de ses produits. Face à la multiplication des nouveaux modèles et leur renouvellement de plus en plus rapide, le créneau de l’occasion ne cesse de croître depuis cinq ans. Un nouveau marché qui permet de réduire l’empreinte carbone de ces produits et de créer des emplois en France.

Nicolas Tucat / AFP
Une course folle à l’innovation. C’est à cela que se livrent aujourd’hui les grands fabricants de smartphones : Samsung, Apple et autres HTC. Hier soir, c’est le petit dernier d’Apple - l’iPhone 6S - qui a été présenté en grande pompe à la presse, un an jour pour jour après la sortie de son prédécesseur. Le dernier né d’une longue lignée : en huit ans et demi, la marque à la pomme a présenté onze versions de son modèle phare. Mais cette production effrénée n’est pas sans conséquences sur le plan écologique. Si l’on prend l’exemple de l’iPhone 6, 80 % de son empreinte carbone est réalisée lors de sa fabrication.
15 millions de portables oubliés au fond d’un tiroir
Pour éviter la production de nouveaux appareils, de nombreuses structures se sont spécialisées dans la collecte, la réparation et le reconditionnement de téléphones portables. Cette année, ils seront 15 millions à être abandonnés dans un tiroir par des propriétaires désireux de se procurer un nouveau modèle. Le calcul a été fait par Back Market, une plateforme créée en novembre 2014, spécialisée dans la revente de téléphones, ordinateurs et tablettes, et qui met en contact ateliers de reconditionnement et consommateurs.
"En moyenne, un Français change de portable tous les 18 mois. Nous répondons à cet appétit en proposant des produits récents, mais vertueux, à des prix attractifs", explique Vianney Vaute, l’un des trois fondateurs de la start up. Back Market travaille aujourd’hui avec une quinzaine d’usines de reconditionnement en France. Celles-ci avaient peu l’habitude de travailler directement avec le client et, de fait, étaient peu visibles auprès des particuliers. La plateforme les rend plus accessibles aux consommateurs.
"Nous essayons de proposer une alternative réaliste aux produits neufs", explique Vianney Vaute. Pour s’assurer de la qualité des produits revendus, une charte est donc signée entre les partenaires. Elle demande notamment à ce que le reconditionneur dispose d’une équipe technique pour que chaque appareil soit contrôlé. Une garantie minimale de six mois est aussi proposée et un service clients a été mis en place. De quoi rassurer le consommateur.
Aujourd’hui, 1 500 références sont référencées dans le catalogue de Back Market. Et chaque mois, plusieurs milliers de visiteurs se rendent sur la plateforme. Dans quelques jours, elle proposera aussi aux consommateurs de se débarrasser de leurs téléphones, tablettes ou ordinateurs en les mettant en contact avec les reconditionneurs.
Effet levier sur les fabricants
Depuis quelques années, le marché du reconditionnement suscite un réel engouement chez les consommateurs. Pas seulement pour l’aspect écologique, souvent mis en avant par les acteurs du marché, mais pour les économies réalisées. Selon un sondage réalisé par OpinionWay pour Back Market, 81 % des Français interrogés estiment que les innovations technologiques ne justifient pas la fréquence de renouvellement proposée par les constructeurs. L’an dernier, ce sont ainsi 56 millions de mobiles reconditionnés qui ont été vendus à travers le monde. Et ce chiffre va doubler d’ici 2017, selon les estimations du cabinet d’analyses Gartner.
Du coup, la filière s’organise. Rassemblée sous la bannière R-cube - pour les "3R" : réduction, réemploi, réutilisation - elle tente de démocratiser le réemploi. Plusieurs projets sont en cours pour professionnaliser le secteur et développer de nouvelles compétences techniques. "La réparation et le reconditionnement sont des marchés très porteurs, auxquels les gens font de plus en plus appel. La société civile a fait sauter la barrière du non-réparable", analyse Renaud Attal, fondateur de R-cube et à la tête de Co-recyclages, une plateforme de dons gratuite.
Les repairs café, les fablabs et makers spaces se sont ainsi multipliés sur le territoire pour permettre aux citoyens de réparer eux-mêmes ou de faire réparer leurs objets. L'entreprise néerlandaise Fairphone, qui vient de sortir la nouvelle version de son téléphone éthique, s'est d'ailleurs engouffrée dans le créneau. Son nouveau modèle est en effet entièrement modulable pour en faciliter sa réparation. "Ce mouvement va obliger les constructeurs à fabriquer des produits plus durables et réparables. Cela va aussi les faire réfléchir sur la possibilité de relocaliser certains emplois en France et entamer une réindustrialisation", conclut Renaud Attal.
Premier label pour portable reconditionné
Pour se repérer dans cette nouvelle jungle, la fédération des acteurs du réemploi lance le label "mobile certifié reconditionné", le premier label sur le marché de l’occasion. Il doit garantir la qualité des produits vendus via un contrôle externe, et ainsi permettre à la filière de poursuivre sa croissance, tout en rassurant les consommateurs.
Les structures candidates seront évaluées sur 70 critères liés à l’environnement (gestion des déchets), au sociétal (gestion du service après-vente) ou au social (conditions de travail). Les dossiers de labellisation sont ouverts dès ce jeudi 10 septembre, et les premières structures labellisées seront dévoilées en décembre, lors du Parlement des entrepreneurs d’avenir. L’objectif est d’arriver à une cinquantaine d’entreprises labellisées d’ici 2016.
Le marché du smartphone de l’occasion pèse entre 400 et 600 millions d’euros par an. L’iPhone domine les autres marques et représente à lui seul 80 % des ventes de ce nouveau marché.