Publié le 13 février 2014
ENVIRONNEMENT
Economie circulaire : une dynamique hexagonale
En France, depuis un an, le concept d'économie circulaire est en vogue. Après une table ronde consacrée au sujet à la conférence environnementale, une conférence de mise en œuvre a eu lieu en décembre. Mais au-delà des discours, comment ce nouveau modèle de production est-il concrètement mis en œuvre ?

L'écologie industrielle |
Selon l'association Orée, on recense une quarantaine de démarches en France. La première est celle d'Ecopal, à Grande-Synthe, près de Dunkerque. Cette initiative créée en 2001 sensibilise les entreprises au concept d'écologie industrielle en proposant des actions concrètes et en mettant en œuvre des synergies. Elle compte aujourd'hui près de 480 adhérents, grandes entreprises, PME, associations ou particuliers et est devenue une référence pour les projets d'écologie industrielle français. L'initiative la plus récente est celle du Club d'Entreprises de Périgny (Charentes Maritimes), à travers le projet BIOTOP destiné à réduire les impacts environnementaux de la zone industrielle. Depuis 2010, plusieurs actions ont été engagées : l'étude des flux, l'identification et analyse et la mise en œuvre de synergies de mutualisation (collecte déchets : bois Palettes, DEEE, consommables informatiques) et de substitution (cartons, polystyrène, sacs à café, textile, PVC, pierre de taille). D'autres sont à l'étude (ombrières photovoltaïques, collecte déchets organiques méthanisables, valorisation de déchets comme les boues de curage des marais ou les huiles de friture...). A terme, BIOTOP ambitionne de déployer la démarche à l'ensemble des zones d'activités de la Communauté d'agglomérations de La Rochelle. |
L'économie circulaire : on en parle aujourd'hui beaucoup mais où en est-on réellement en France ? « Il y a une réflexion dans tous les sens mais un manque de structuration nationale », estime François Michel Lambert, député EELV des Bouches-du-Rhône et initiateur de l'Institut de l'économie circulaire créé il y a un an et qu'il considère aujourd'hui comme « une caisse de résonnance » pour le concept avec ses 130 membres « venus d'horizons différents » (entreprises, ONG, écoles, etc).
Depuis un an en effet, il y a eu un « enchaînement politique » avec la conférence environnementale en septembre 2013 puis la conférence de mise en œuvre trois mois plus tard qui a débouché sur le lancement de plusieurs groupes de travail sur l'amélioration de l'efficacité des ressources et des stratégies industrielles et territoriales notamment. C'est aussi l'un des objectifs de la « France 2025 », portée par le Président de la République. « Il y a clairement eu une accélération. Des opportunités se font jour mais tout reste à inventer dans cette révolution que je compare souvent à celle d'Internet.», constate François-Michel Lambert. D'autant que tout le monde ne parle pas forcément de la même chose. « Nous constatons qu'il y a souvent un mélange de nombreux concepts pour évoquer l'économie circulaire. Les discours restent très orientés « déchets » ou « recyclage » alors que cette vision est très réductrice », souligne ainsi Nathalie Boyer, la directrice générale de l'association multi-acteurs Orée qui a fait de l'économie circulaire - qu'elle souhaite « globale, systémique et intégrée »- l'une de ses priorités pour l'année 2014. Fixer un cadre commun, avec des indicateurs fiables...c'est donc bien la première urgence.
Dynamisme des territoires
Car sur le territoire, les expériences se multiplient, dans un dynamisme anarchique. Démarche d'éco-conception, projets de centrales de méthanisation dans les exploitations agricoles, développement de services qui s'inscrivent dans une logique d'économie de la fonctionnalité comme l'auto-partage, de ressourceries (lieu de vente à but non lucratif qui redonne une seconde vie aux produits abandonnés)...mais aussi d'écologie industrielle (voir encadré). L'Ademe et l'ARF (association des Régions de France) doivent d'ailleurs livrer une étude sur le développement de stratégies régionales d'économie circulaire qui sera présentée le 17 juin lors des premières Assises de l'Economie Circulaire.
Mais le développement de l'économie circulaire se heurte encore à des freins législatifs ou règlementaires, au manque de données, ainsi qu'à une résistance au changement. Peu présent lors de la conférence de mise en œuvre du 16 décembre, le ministère du Redressement productif est ainsi clairement pointé du doigt par François-Michel Lambert : « Arnaud Montebourg ne se pose clairement pas la question du modèle de production à soutenir », regrette-t-il. Dommage quand on voit par exemple l'avis du CESE (Conseil économique social et environnemental) destiné à assurer une transition vers une industrie économe en matières premières. « Voté à une grande majorité, il est largement inspiré par la logique de l'économie circulaire », souligne le député. « En tant que syndicat, nous présentons aujourd'hui l'économie circulaire comme une opportunité permettant de réinventer la croissance et un élément de compétitivité mais il ne faut pas non plus oublier la question des mutations professionnelles qui seront nécessaires à la transition », souligne de son côté Patrick Pierron, secrétaire national de la Cfdt.
Une loi-cadre ?
La France accuse aussi un certain retard par rapport à d'autres pays comme les Pays-Bas ou l'Allemagne en Europe mais aussi le Japon ou la Chine (Voir les différentes approches de l'économie circulaire dans le monde).
Pour que l'Hexagone trouve sa place, l'Institut de l'économie circulaire préconise notamment l'adoption d'une loi-cadre qui avait les faveurs de l'ancienne ministre de l'Ecologie Delphine Batho mais qui n'a jamais été reprise par le gouvernement. Le Patronat qui affirme « être favorable au développement de l'économie circulaire » ne s'est jamais montré favorable à une loi cadre. « Une loi trop générale n'aurait pas vraiment d'intérêt et une loi trop précise fixerait un certain nombre de prescriptions qui ne nous semblent pas souhaitable », estime ainsi Catherine Tissot-Colle, membre du conseil exécutif du Medef et directrice développement durable d'Eramet.
« L'intérêt d'une loi -qui peut être très simple et courte- est de définir le sens du modèle de développement dans lequel veut s'inscrire la France, rétorque François-Michel Lambert. Mais d'autres moyens peuvent aussi être actionnés. Un délégué inter-minstériel à l'économie circulaire serait par exemple un bon signal. Je pense aussi au levier de l'achat public, des appels à projets de l'Ademe, du fonds européen pour le développement des régions (Feder). » Pour l'heure, une partie de plusieurs fonds vont servir à développer l'économie circulaire : les fonds d'intervention de l'Ademe (180 millions d'euros par an) mais aussi les investissements d'avenir gérés par BPI France à travers l'enveloppe budgétaire orientée vers les territoires.