Publié le 17 mars 2015
ENVIRONNEMENT
Transition énergétique : le risque carbone mobilise en Grande Bretagne
La Banque d’Angleterre lance l’alerte : les étudiants d’Oxford défilent et les actionnaires de BP s’organisent. Si leurs modes d’action et leurs pouvoirs varient, tous partagent la même analyse : les modèles économiques des producteurs d’énergies fossiles sont fragiles et il faudrait faire une place plus grande aux énergies renouvelables sur un plan écologique, économique et financier.

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Les déclarations des dirigeants de la Banque d’Angleterre début mars évoquant le risque financier qui pèse sur les assurances détenant trop d’actions de compagnies pétrolières dont la valeur pourrait baisser dans le futur, a relancé le débat dans la communauté financière britannique.
Des signaux forts en faveur de la sortie des énergies fossiles
Quel sera le poids du changement climatique sur les portefeuilles des fonds de pension ? "Les signaux envoyés au marché par une autorité financière comme elle nous aide beaucoup à sensibiliser les investisseurs" explique Catherine Howarth, qui dirige Shareaction, l’une des organisations qui participent à la mobilisation actionnariale sur le risque carbone. "Nous estimons que moins de 10 % des fonds de pension ont aujourd’hui pris conscience du risque et commencent à mesurer leur empreinte carbone. Ce sont les plus importants mais le mouvement doit être généralisé à tous".
Les fonds de pension sont nombreux (et de toutes tailles) en Grande Bretagne, où le débat a pris une acuité particulière avec le dépôt des résolutions aux AG 2015 de Shell et BP sur leur stratégie d’adaptation au changement climatique, Shareaction participe à cette initiative qui entre dans une seconde phase, comme l’explique Catherine Howarth : "Nous faisons maintenant campagne pour obtenir le maximum de voix d’actionnaires pendant les assemblées générales. Nous savons que Shell et BP ne partagent pas forcément nos analyses sur le changement climatique. Si les résolutions obtiennent 75 % des voix ou plus, elles seront obligées de mettre en oeuvre des changements de stratégie majeurs et de s’engager la dessus".
Les signaux se multiplient dans le pays où la campagne de désinvestissement des énergies fossiles a pris de l’élan. À Londres, l’assemblée qui supervise la politique de la capitale a adopté une motion le 11 mars, incitant l’organisation qui encadre les fonds de pension de la ville à sortir dans les cinq ans à venir des énergies fossiles.
Les élus écologistes du Conseil de Paris ont suivi son exemple. Ils ont adopté le 16 mars 2015 un vœu expriment leur souhait de voir les énergies fossiles exclues du fonds de dotation et du fonds de retraite complémentaire des conseillers de la capitale française.
Oxford sous pression
À Oxford, les étudiants, les professeurs et diverses personnalités ont bataillé depuis des mois pour que l’université exclue les énergies fossiles du fonds de 3 milliards d’euros qu’elle administre. L’université d’Oxford, qui avait mis cette décision à l’ordre du jour de son conseil du 16 mars 2015, a finalement annoncé qu’elle avait besoin de réfléchir encore.
Il est donc urgent d’attendre pour la prestigieuse université, qui semble d’autant moins pressée de rejoindre le mouvement de désinvestissement décrit dans l’étude publiée par le centre de recherche de Novethic le 11 février qu’elle a noué des partenariats avec l’industrie pétrolière.
Shell a investi plus de 8 millions d’euros dans un laboratoire d’Oxford dédié à la géologie, qui a ouvert en 2014 et dont l’une des missions consiste à "identifier des réserves pétrolières". Les partisans du désinvestissement sont déçus. "Oxford a une responsabilité morale qui devrait l’empêcher de procrastiner et la conduire à s’engager maintenant sur le désinvestissement" déclare Georges Montbiot, journaliste au Guardian : "Le changement climatique est pourtant LA question éthique de notre époque".
Prochains rendez-vous clefs sur l’agenda britannique : l’assemblée générale de BP le 16 avril à Londres et la publication du rapport de la Banque d’Angleterre sur le risque financier du changement climatique prévu au plus tard fin 2015.