Publié le 30 octobre 2019
ENVIRONNEMENT
[Tour du monde des transitions] Dans l’Amazonie péruvienne, la famille Guajajara tente de préserver son environnement
À Yurimaguas, dans la partie amazonienne du Pérou, vit Alfonso, Carmen, et leurs quatre enfants et leurs quatre grands-parents. Dans cette région isolée du monde, cette famille indigène vit en relation avec la nature, tout en essayant de trouver leur place dans l’économie du pays. Toute la semaine, Novethic fait le tour du monde de la transition en cours sur la période 2020-2050 en s’appuyant sur les travaux Our Life 21 du think tank 4D*, qui se basent sur les tendances existantes et les contributions des différents pays à l’Accord de Paris. Voici l'histoire, fictive, d'une famille péruvienne.

@Benjiecce
Alfonso et Carmen, la vingtaine, vivent avec leurs quatre enfants et leurs aïeux dans un village de l’Amazonie péruvienne, à quelques kilomètres de Yurimaguas. Ce port du grand fleuve Huallaga, est l’unique voie de transport pour les marchandises de la région. Contrairement à leurs parents analphabètes, ce couple modeste parle espagnol et veut que leurs enfants aient une vie plus confortable et plus insérée dans la vie sociale péruvienne.
2020 : une vie coupée du monde
5 juillet. Il est 5 heures et le jour se lève. Alfonso sort subrepticement de la maison pour rejoindre le port de Yurimaguas où il est convoyeur le long du fleuve Huallaga. Avec sa pirogue à moteur, il transporte hommes et marchandises, 365 jours par an. Sans lui et ses pairs, impossible de se rendre dans les petits villages de cette partie hautement isolée de l’Amazonie. Malgré ses efforts pour ne pas faire de bruit, il a réveillé Rosa et Rodolfo, ses plus jeunes enfants d’un et deux ans. Carmen, sa femme, s’empresse de les calmer. José et Maria, six et quatre ans, dorment encore profondément. Tout comme leurs quatre parents qui logent avec eux. Ici, la solidarité intergénérationnelle est clé. Leurs parents, analphabètes, ont travaillé toute leur vie dans l’économie informelle : ils n’ont droit à aucune retraite.
Sur le chemin, il entend les tronçonneuses et les pelleteuses. Dans la forêt, les engins sont à l’œuvre pour clarifier des parcelles destinées à de nouveaux champs de soja. Cela le rend fou, ces hommes ne respectent pas la Pacha mama, la terre nourricière. Et c’est une partie de leur culture qu’ils mettent à terre.
À son retour vers 17 heures, il voit Carmen passer un dernier coup de bêche dans le jardin avant d’aller préparer la cuisine. José réunit des branches qui vont permettre de faire le feu pour cuire les aliments et éclairer la maison. La nuit va bientôt tomber et le village n’est pas raccordé à l’électricité...
En chiffres : Sans électricité, avec une alimentation peu carnée et des déplacements extrêmement limités, la famille Guajajara émet très peu de gaz à effet de serre. Chaque personne émet 0,15 tonne équivalent Co2/an soit 75 fois moins qu’un Américain.
2030-2040 : une vie plus confortable
21 juin 2034. C’est jour de fête. Alfonso vient de terminer l’extension de la maison en bois et paille. Depuis quelques années, le confort s’est considérablement amélioré. La famille dispose maintenant d’une pièce en plus, cela devenait indispensable pour les adolescents. Depuis un an, la cuisson au butane a aussi changé la vie de Carmen qui, jusque-là, devait toujours cuisiner au bois. Elle évite ainsi les allers-retours, les problèmes de respiration et la déforestation.
Quant à l’électricité, elle est arrivée depuis deux ans grâce aux panneaux photovoltaïques installés sur les toits et au méthaniseur du village. Ce n’est pas un changement mais un bouleversement : la famille peut désormais écouter les nouvelles à la télévision et les enfants faire leurs devoirs sans précipitation. Même Internet a fini par être installé !
Autre nouveauté, celle de la gestion des déchets. Si la famille a toujours utilisé ses déchets organiques comme compost, elle ne savait que faire des emballages plastiques et métalliques, qu’elle jetait, comme ses voisins, dans un fossé à la sortie du village. Depuis cinq ans, la ville de Yurimaguas a mis en place des points de collecte et une usine de recyclage a été inaugurée, apportant de nombreux emplois dans la région.
En chiffres : En 2030, la famille Guajajara a un peu augmenté ses émissions mais reste très en deçà de la moyenne mondiale. Parmi les principaux postes d'émissions : l'alimentation.
2050 : Une vie plus connectée
3 mai 2050. José raccroche le téléphone. Il vient enfin d’avoir sa sœur partie étudier à Lima et rejoint ses collègues de l’ONG Lung of the Hearth. Ils ont obtenu les dernières images des drones de la forêt de San Martin, dans la région de Loreto. De nouveaux signalements et un recoupement par GPS les ont guidés vers de nouvelles coupes claires réalisées par des producteurs de coca.
C’est une catastrophe. La région est déjà dévastée et certaines anciennes parties de la forêt se sont aujourd’hui transformées en quasi-savane. Il reste heureusement quelques réserves naturelles, qui enchantent encore les touristes qui peuvent y accéder au compte-gouttes, mais elles se font de plus en plus rares. Mais José ne veut pas baisser les bras. Cette forêt c’est non seulement ce qui va vivre et battre le cœur de sa famille mais aussi un élément indispensable pour lutter contre le réchauffement climatique, qui pèse sur l’ensemble de la planète.
En chiffres : En 2050, bénéficiant d’équipements plus modernes et d’infrastructures de transport, la famille Guajajara émet plus de gaz à effet de serre qu’en 2020 mais toujours nettement moins que la moyenne de la population mondiale. Chaque personne émet 0,17 tonne d’équivalent CO2 par an.
Béatrice Héraud @beatriceheraud
*ce portrait, ainsi que ceux de la série Tour du monde de la transition, sont fictifs et issus des travaux Our Life 21 du think tank 4D qui entendent modéliser les évolutions de comportements de familles de différents pays dans le but d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat mais aussi les Objectifs de développement durable. Ceux-ci se basent sur les contributions des différents pays présentés par chaque pays lors de la COP21 et donc sur des objectifs plus volontaristes que les tendances actuelles, même si certains objectifs pourront être réhaussés.