Publié le 24 février 2023
ENVIRONNEMENT
Suspension de permis de construire à cause de la sécheresse : "On a passé un cap avec le changement climatique"
C'est un tournant dans l'adaptation au changement climatique. Au-delà des arrêtés de restriction de remplissage des piscines, d'arrosage des jardins ou de nettoyage des voitures, plusieurs maires du pays de Fayence, dans le Var, viennent de suspendre les permis de construction pour une durée de quatre ans. Face une sécheresse historique, il faut faire des choix, défendent-ils. Une décision inédite face à l'urgence climatique qui doit pousser l'État à se positionner.

VALENTINE CHAPUIS / AFP
C’est une décision de taille que viennent de prendre plusieurs maires du pays de Fayence, dans le Var. Selon France TV Info, un collectif de maires a décidé de geler les nouvelles demandes de permis de construire dans leurs villes pour les quatre prochaines années. "Il vaut mieux dire aux gens de ne pas construire et retarder leur projet plutôt que de leur dire "construisez" et de ne pas être alimenté en eau au moment où ils s’installeront", explique le maire de Montauroux, Jean-Yves Huet, au média. Il faut dire que la France, et particulièrement le Var, subit une sécheresse historique liée au changement climatique.
La France est "en état d’alerte" a expliqué le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu. Selon Météo France, jamais l’Hexagone n’avait connu une si longue période sans pluie -32 jours- depuis le début de la prise des mesures en 1959. Déjà en 2020, en plein confinement, le record avait été battu avec une absence de plus pendant 31 jours. Si aujourd’hui cet épisode de sécheresse est si préoccupant c’est qu’il intervient en hiver, période où les nappes phréatiques se rechargent habituellement.
Une sécheresse historique
"Depuis août 2021, tous les mois sont déficitaires en pluie à l'exception de décembre 2021, juin 2022 et septembre 2022", indique Météo-France. "Le mois de février 2023 devrait se terminer avec un déficit pluviométrique de plus de 50 %, devenant ainsi l'un des mois de février les plus secs jamais enregistrés", poursuit l'organisme. Christophe Béchu a prévenu qu’après consultation des préfets, le gouvernement pourrait prendre des "mesures de restriction qui soit "soft", dès le mois de mars, pour éviter de se retrouver dans des situations catastrophiques d’arbitrage". Mais pour les maires du pays de Fayence, l’urgence est déjà là. "On voit bien que de plus en plus de gens viennent s'installer sur le territoire. On a eu une croissance très importante sur les 20, 30 dernières années. Il faut aujourd'hui que l'on arrête de bâtir", prévient Jean-Yves Huet au micro de BFMTV.
Pour l’avocat en droit de l’environnement Arnaud Gossement, ces décisions devraient se multiplier tant que l’État ne se positionne pas. "Les maires sont désemparés et l’État tergiverse. La décision de suspendre les permis de construire est une interpellation. Il faut avoir un débat national sur le sujet. Quels sont les permis de construire qu’on pourra continuer d’autoriser avec l’urgence climatique ? Que fera-t-on s’il s’agit d’Ehpad, d’hôpital, de crèche ? L’État doit se positionner", explique-t-il à Novethic. "On a passé un cap avec le changement climatique".
Mesure préventive plutôt que mesure d’urgence
Reste que les maires s’exposent à des contentieux. Aujourd’hui, la jurisprudence "n’est pas claire" sur le sujet, note Arnaud Gossement, "je serais étonné qu’il n’y ait pas de recours de particuliers". Pour cadrer la situation, une proposition de la loi a été déposée par le député UDI Christophe Naegelen. Ce dernier propose de doter les maires des communes du pouvoir d’autoriser ou d’interdire les nouvelles constructions "lorsque celles-ci présentent un risque pour l’équilibre des ressources en eau de la commune et son environnement".
"Doter les communes d’un réel pouvoir de décision sur les modalités de consommation d’eau en amont est donc nécessaire pour que l’utilisation de l’eau s’adapte de manière précise et localisée aux ressources disponibles", écrit Christophe Naegelen. "Compte tenu des aléas auxquels nous confronte le dérèglement climatique, et compte tenu de l’augmentation tendancielle des températures et du nombre d’épisodes de sécheresse, il convient de prendre des mesures préventives, et non plus seulement des mesures d’urgence (…)."
Marina Fabre Soundron @fabre_marina