Publié le 07 octobre 2015
ENVIRONNEMENT
Entreprises : comment s’adapter au changement climatique grâce au big data
Les études scientifiques qui analysent le changement climatique constituent une mine d'informations très précieuse pour des entreprises qui voudraient éviter certains risques ou trouver de nouvelles opportunités de croissance. Encore faut-il des experts pour transformer ce big data brut en données intelligibles. C'est un marché qui émerge aux Etats-Unis.

IBM
Des consultants, des universitaires, des scientifiques, des représentants de multinationales, des assureurs ou encore des investisseurs : au total, une cinquantaine d'experts ont participé il y a quelques jours à New York au Climate data summit (sommet des données climatiques). Derrière cet intitulé, une question : comment décrypter l'énorme masse de données scientifiques produites autour du changement climatique et la transformer en informations directement utilisables pour orienter la stratégie des entreprises ? C'est le marché sur lequel se sont lancés une poignée d'entrepreneurs aux Etats-Unis.
Connaître la future météo locale
ʺQuand un directeur du développement durable nous appelle, c'est qu'il a une compréhension globale du changement climatique mais qu'il veut trouver des données spécifiques pour telle usine ou tel centre de distributionʺ, résume Emilie Mazzacurati, la fondatrice du cabinet de conseil Four Twenty Seven. Dans la même veine, le Risky Business Project adapte des études scientifiques produites au niveau d'un pays pour recentrer la carte au niveau local, une échelle beaucoup plus parlante pour la majorité des dirigeants d'entreprises. Ainsi un agriculteur du Midwest peut voir sur une carte quelles seront les températures moyennes estivales (avec plusieurs scénarios possibles) dans sa région au milieu du siècle ou en 2100 et les principales conséquences sur ses cultures. De quoi lui permettre de mieux anticiper les bouleversements qui sont clairement exposés par les cartes de la société co-présidée par l’homme d’affaires et politique Michael Bloomberg.
Pour ces experts, le défi est d'abord technique, car il faut trouver des outils assez puissants pour digérer une telle quantité d'informations. La difficulté tient aussi au choix des sources : ONU, Banque mondiale, agences publiques (du type Nasa aux Etats-Unis ou Ifremer en France) ou encore travaux universitaires. Le Notre Dame Global adaptation Index, un projet né précisément dans le cadre universitaire, analyse ainsi 46 indicateurs (autour du climat mais aussi de la situation socio-économique ou de la gouvernance) et propose un outil qui classe les pays les plus exposés au changement climatique et les mieux adaptés à y faire face.
Les entreprises commencent aussi à produire leurs propres données. ʺLes entrepreneurs recherchent des solutions d'analyse millimétrées, ce qui va nécessiter de plus en plus de partenariats public/privé, entre universitaires, institutions publiques et l'industrie elle-mêmeʺ, assure Raji Jagadeesan, directrice des opérations du Risky Business Project.
Eviter les prochaines catastrophes naturelles
Une fois l'analyse faite, reste à utiliser ces données pour orienter la stratégie d'entreprise. Les experts du secteur identifient alors deux types de comportements. Le premier est défensif. C'est celui d'entrepreneurs, dans le secteur de l'agriculture ou du pétrole par exemple, qui cherchent à identifier des risques. ʺL'intérêt pour notre activité a commencé à décoller il y a deux ou trois ans, au moment de l'ouragan Sandy (en 2012 sur la côte Est américaine, ndlr) et du typhon Haiyan (qui a frappé les Philippines en 2013, ndlr)ʺ, confie Joyce Coffee, la directrice générale de Notre Dame Global adaptation Index. Car l'analyse de données climatiques est un outil très efficace pour une entreprise qui souhaite mesurer la vulnérabilité de sa chaîne d'approvisionnement à l'étranger. Avec Four Twenty Seven, Emilie Mazzacurati propose ainsi de lister tous les fournisseurs d'une entreprise pour identifier les sites plus exposés, puis travaille avec eux à réduire ces risques.
Débusquer les chantiers prometteurs
D’autres entrepreneurs en font un usage plus conquérant. Joyce Coffee, la directrice générale de Notre Dame Global adaptation Index, est régulièrement confrontée à des requêtes du type : "J'ai l'opportunité de travailler au Mali. Est-ce que ça vaut le coup d'y investir ?".
Autre exemple : sur le sol américain, les pouvoirs publics sont en train d'investir massivement pour faire face au changement climatique (construction de digues, surélévation de bâtiments). Autant de chantiers que tentent d'anticiper de grands groupes du bâtiment et des travaux publics (BTP) en faisant de la prospective à partir de données scientifiques. Rainer Sternfeld, le fondateur d'une des start-up du secteur, Planet OS, qui regroupe les données (par exemple les données météorologiques, hydriques ou sur la qualité de l’air) éparses d’une entreprises sur une même plateforme, en leur donnant sens, le confirme : ʺAux Etats-Unis, les entreprises voient aussi les informations qu'on leur propose autour du climat comme des vecteurs de croissanceʺ. Une attitude qui peine encore à émerger, assure-t-il, parmi ses clients européens.