Publié le 17 septembre 2019
ENVIRONNEMENT
Quand les industriels américains se rebellent contre la politique anti-climat de Donald Trump
Majors pétrolières et gazières, constructeurs automobiles, producteurs de biocarburants… Plusieurs industriels américains s'opposent à Donald Trump et ses mesures anti-environnementales. Une prise de conscience écologique ? Peut-être, mais il s’agit surtout de défendre des intérêts économiques et de diffuser une bonne image auprès de l’opinion publique et des investisseurs.

@CC0
Depuis qu’il est arrivé à la Maison-Blanche, en janvier 2017, il n’a eu de cesse de détricoter toutes les mesures pro-climat prises sous l’ère Obama. Mais cette fois, ce ne sont pas les associations environnementales qui s’opposent à la politique de Trump, mais les industriels eux-mêmes, pourtant censés en profiter. La dernière polémique en date porte sur la dérégulation des mesures visant à limiter les fuites de méthane dans l’industrie pétrolière et gazière.
La proposition vise à "supprimer toute réglementation inutile et redondante pesant sur l’industrie", s'est justifié fin août Andrew Wheeler, chef de l’Agence américaine de l’environnement (EPA). "Nos réglementations ne doivent pas réprimer l’innovation et le progrès", ajoute-t-il. Contre toute attente, plusieurs majors, parmi lesquelles Shell, BP ou même ExxonMobil, se sont déclarées défavorables à cette mesure. Elles ont déjà commencé à travailler sur la question et se sont engagées, dans le cadre de la coalition Oil & Gas Climate, à tendre vers le zéro émission.
Faire du gaz une énergie de transition
Shell espère ainsi limiter ses fuites de méthane à 0,2 % en 2025. BP travaille également activement à limiter ses émissions de méthane. "Nous devons réduire les émissions de méthane pour le gaz naturel afin de réaliser son plein potentiel dans notre bouquet énergétique", a ainsi réagi BP America, cité par Bloomberg. Le méthane est un gaz à effet de serre au pouvoir réchauffant 25 fois plus important que le CO2, et l’industrie pétrolière et gazière est responsable de 13 à 20 % de ses émissions chaque année.
Il s’agit donc pour le secteur d’asseoir la crédibilité du gaz comme énergie de transition et d’accroître sa part dans le mix énergétique. Pas question dès lors d’être associé à une mesure anti-climatique. D'autant que le sujet est suivi de près par les investisseurs. Une coalition de 140 d'entre eux (ICCR), pesant 5 500 milliards de dollars, a publié un communiqué après l’annonce de l’EPA pour dénoncer "une menace grave, non seulement pour la planète, mais pour l’avenir de l’industrie du gaz naturel et, par conséquent, de leurs portefeuilles".
Des normes de CO2 plus sévères encore
Un peu plus tôt dans l’été, Donald Trump a dû affronter une autre insurrection de la part cette fois des constructeurs automobiles. Le 25 juillet, Ford, Honda, Volkswagen et BMW ont signé un accord avec la Californie pour respecter des normes de CO2 plus sévères alors que le Président américain entend les assouplir. Un sacré revers qui a provoqué les foudres du locataire de la Maison-Blanche sur les réseaux sociaux.
The Legendary Henry Ford and Alfred P. Sloan, the Founders of Ford Motor Company and General Motors, are “rolling over” at the weakness of current car company executives willing to spend more money on a car that is not as safe or good, and cost $3,000 more to consumers. Crazy!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) August 21, 2019
En juin, 17 constructeurs automobiles avaient déjà demandé à l'administration de ne pas assouplir une série de règles antipollution, inquiets d'une régulation à deux vitesses et d'une instabilité juridique avec des recours possibles. 14 Etats se sont effet déclarés favorables au maintien des normes d’émission adoptées sous l'administration Obama et menacent de contester la nouvelle législation devant la justice.
Les agriculteurs, qui souffrent déjà de la guerre commerciale avec la Chine, ont également fait part de leur colère alors que l’administration a accordé des dérogations à l’industrie pétrolière quant à leur utilisation de biocarburants.
Concepcion Alvarez, @conce1