Publié le 08 octobre 2015
ENVIRONNEMENT
OCDE : des financements climat insuffisants pour les pays victimes du réchauffement climatique
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) vient de rendre public mercredi 7 octobre dans un rapport le montant estimé des financements climat des pays du Nord vers ceux du Sud. Un enjeu clé à l’approche de la Conférence de Paris sur les changements climatiques (COP21) qui aura lieu du 30 novembre au 11 décembre 2015. Pour l’institution, les pays développés sont sur la bonne voie pour atteindre leur objectif de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Mais les Organisations non gouvernementales (ONG) et plusieurs élus déplorent que ces financements n’aillent pas aux principales victimes : les pays les moins avancés déjà touchés par le réchauffement climatique.

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C’était un rapport très attendu ; il a été publié à la veille des assemblées générales de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, à Lima, au Pérou. L’OCDE, en collaboration avec Climate Policy Initiative, a évalué le montant des financements, publics et privés, alloués au climat ces deux dernières années. Un sujet qui aura une place essentielle dans les négociations climatiques internationales qui s’ouvriront au Bourget le 30 novembre prochain, notamment pour espérer rallier les pays du Sud à l’accord.
Les pays développés s’étaient engagés, en 2009, à Copenhague, à verser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 aux pays du Sud pour leur permettre de s’adapter au réchauffement climatique et d’en atténuer ses effets. Depuis, la promesse fait l’objet de nombreuses discussions et d’une certaine méfiance de la part des pays en voie de développement.
Plus de financements
Dans un souci de transparence avant la conférence climatique, le Pérou et la France, pays hôtes de la COP20 et 21, ont commandé une estimation fiable à l’OCDE le 7 septembre dernier. "Ce rapport permettra de savoir où nous en sommes avec une vraie clarté sur les chiffres et les méthodologies afin de poser les bases d’un dialogue confiant et constructif", avait alors précisé Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et futur président de la COP21. "A partir de là, nous pourrons avancer sans contestation et évaluer la crédibilité de la trajectoire et des efforts consentis à ce jour par les pays développés."
Résultat : les financements pour le climat ont atteint une moyenne de 57 milliards de dollars par an en 2013 et 2014, selon les calculs de l’OCDE, établis en un temps record. En 2013, ce sont 52,2 milliards de dollars qui ont été consacrés au climat contre 61,8 milliards en 2014. "La principale conclusion est qu’il y a un progrès significatif dans l’atteinte de l’objectif des 100 milliards", estiment les auteurs du rapport.
Des chiffres précis
Jusqu’à présent, un grand flou flottait sur le montant exact de ces flux financiers du Nord vers le Sud. Un rapport du comité permanent des finances de la CCNUCC (Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique) avait évalué ces financements entre 40 et 175 milliards de dollars par an, entre 2010 et 2012, dont 35 à 50 milliards provenant d’institutions publiques et cinq à 125 milliards de ressources privées. Autant dire que la fourchette était large, laissant place à la plus grande incertitude.
Mais le calcul n’est pas évident à établir du fait d’une éventuelle double comptabilisation avec l’aide publique au développement, de la multiplication des canaux de développement et de la prise en compte de critères différents de comptabilisation selon les Etats. D’ailleurs, l’OCDE précise que sa méthodologie est "appelée à être améliorée".
Un ratio trop déséquilibré
Dans le détail des chiffres révélés par l’institution, il apparaît que 71% des financements proviennent de fonds publics et 26% de fonds privés. La part des financements bilatéraux est la plus importante et est en augmentation par rapport à 2010-2012. Par ailleurs, 77% des financements sont fléchés vers des actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre, contre 16% pour des actions d’adaptation du changement climatique.
Un ratio trop déséquilibré, déplorent les ONG. "Le message qui ressort de ce rapport de l'OCDE est plutôt clair : les pays et les communautés les plus vulnérables sont encore les grands perdants des financements climat", réagit ainsi Romain Benicchio, porte-parole d’Oxfam France.
Dans un rapport publié mardi 6 octobre, consacré à l’aide publique au développement en France, Fabienne Keller, sénatrice du Bas-Rhin (Les Républicains) et Yvon Collin, sénateur du Tarn-et-Garonne (RDSE) émettent la même critique. "Entre 2007 et 2014, les engagements en matière d’adaptation n’ont représenté que 12% des engagements climat de l’Agence française de développement (AFD). De même, sur cette période, les pays les moins avancés n’ont bénéficié que de 9% (1,1 milliard d’euros) de ces mêmes engagements."
Les élus proposent ainsi de consacrer au minimum 20% des financements climat à des actions d’adaptation au changement climatique et, d’autre part, de consacrer au minimum 20% de ces financements aux pays les moins avancés.
Mauvais signal
La semaine dernière, à la tribune de l’ONU, le Président François Hollande avait annoncé qu’il s’engageait à augmenter les financements de la France en faveur du climat de deux milliards de dollars, passant de trois à cinq milliards en 2020. L'augmentation de cette aide sera constituée de prêts "mais aussi de dons, parce que c’est par des dons - ce qui est transféré directement et n’est pas remboursé - que l’on pourra financer puissamment l’adaptation des pays en développement aux effets du dérèglement climatique", avait précisé le chef de l’Etat.
Les ONG craignent que cette promesse ne soit pas tenue et demandent au ministre des Finances et des Comptes publics Michel Sapin de clarifier les annonces qui concernent la part des dons destinés à l’adaptation des populations les plus vulnérables.
La France a déjà envoyé un mauvais signal avec son projet de loi de finances pour 2016, présenté mercredi 30 septembre. Le budget prévisionnel de l’aide publique au développement (APD) est de 2,6 milliards d’euros pour la mission contre 2,77 milliards en 2015. Cette aide restera donc, en proportion du revenu national brut, très loin du seuil de 0,7% que les pays développés membres des Nations unies s’étaient engagés à respecter d’ici 2015. Engagement finalement repoussé à 2030.