Publié le 03 juin 2015

ENVIRONNEMENT

Nicolas Hulot : "le désinvestissement des actifs carbonés est absolument indispensable"

Pour réussir l’accord sur le climat, attendu à Paris en 2015, Nicolas Hulot, insiste sur l’importance de la capacité des États développés à tenir les promesses envers les pays en développement. L'envoyé spécial du président de la République pour la préservation de la planète rappelle aussi que sans moyens financiers, la transition énergétique est une "mystification".

NOEL CELIS / AFP
Nicolas Hulot, aux Philippines, pour l'appel de Manille sur le climat le 23 janvier 2015

"Le succès de la conférence de Paris sur le climat ne tiendra pas seulement aux objectifs de réduction des émissions de CO2 des États mais aussi et surtout aux instruments - notamment financiers - mis sur la table pour y parvenir", a tenu à souligner Nicolas Hulot, envoyé spécial du président de la République pour la préservation de la planète et président de la FNH (Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme), lors d’une rencontre avec la presse.

 

Il est urgent de désinvestir les énergies fossiles

 

"C’est un sujet essentiel car si l’on évacue celui-ci, on est dans une forme de mystification", estime-t-il. Car sans moyens financiers, comment assurer une transition vers une économie décarbonée au niveau mondial ? Notamment pour les pays en développement, parmi les plus vulnérables au changement climatique, et qui attendent que les pays développés honorent leurs promesses de transfert de fonds pour les aider à investir dans les mesures d’atténuation et d’adaptation nécessaires, parfois à leur survie.

Pour financer une économie bas carbone, plusieurs pistes sont à prendre en compte, juge Nicolas Hulot. D’abord, réduire les subventions aux énergies fossiles, estimées à 650 milliards de dollars dans le monde par le Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport publié le 18 mai dernier. "Le FMI vient d’estimer le coût public global de celles-ci à près de 10 millions de dollars par minute !", rappelle le président de la FNH. Il est donc "urgent de réduire ces subventions" mais aussi d’inciter les banques, les fonds de pension, les assureurs… à désinvestir leurs actifs carbonés et à les flécher dans les modèles de l’économie de demain. "Le désinvestissement est absolument incontournable. Et cela peut aller très vite", assure-t-il.

 

Le temps de l'audace et des financements innovateurs

 

"Il est aussi intéressant de voir que lors de la climate week de fin mai, les entreprises se sont positionnées comme les ambassadrices du prix du carbone. Qu’importe les raisons pour lesquelles elles le font, ce frein est levé et il s’agit de profiter de cette opportunité pour mettre en place cette clé de voûte d’une économie bas carbone", souligne celui qui a largement contribué à la mise en place de la contribution climat énergie ou taxe carbone en France (14,50 euros en 2015).

Enfin, "c’est le moment où jamais de travailler, d’évaluer et de promouvoir les financements innovants. Le temps est venu d’être un peu audacieux", insiste Nicolas Hulot. C’est d’ailleurs sur ses conseils que Pascal Canfin et Alain Grandjean ont été mandatés par François Hollande pour présenter un rapport sur le sujet qui doit être publié le 18 juin. Parmi ces financements innovants, le vieux serpent de mer qu’est la taxe sur les transactions financières (TTF), actuellement en discussion au niveau européen et dont la FNH voudrait qu’elle puisse lever entre 10 et 20 milliards d’euros par an au sein du vieux continent. L’ONG pense aussi à l’utilisation d’une partie des droits de tirages spéciaux émis par le FMI au moment de la crise financière de 2008, et qui sont aujourd’hui "inutilisés".

 

Les États doivent intensifier leurs efforts

 

Si ces mesures - et d’autres - étaient mises en place, cela pourrait inciter les États à revoir à la hausse leurs contributions nationales à la lutte contre le changement climatique (INDC), espère la Fondation. Une augmentation qui ne serait pas superflue.

La fondation Nicolas Hulot, qui a analysé les 38 INDC déposées devant l’ONU, les jugent "insuffisantes pour nous mettre sur la route d’une limitation du réchauffement à +2°C. Elles sont plus proches des scénarios conduisant à un réchauffement supérieur à 3°C (voire 4°C) avec des émissions estimées à environ 59 Gt (gigatonnes) de CO2 en 2030. Un scénario vertueux basé sur un effort supplémentaire de 10 à 15 points des principaux pays du G20 ramènerait les émissions autour de 49 Gt de CO2 à l’horizon 2030, dans le haut de la fourchette des scénarios compatibles avec les 2°C."

Béatrice Héraud
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