Publié le 23 octobre 2017
ENVIRONNEMENT
Les députés français font machine arrière sur la taxe sur les transactions financières
[Mis à jour le 23 octobre] Les députés ont officiellement raboté la taxe sur les transactions financières (TTF). Le gouvernement accepte ainsi de s'asseoir sur 2,5 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Mais pour l'exécutif, il s'agit avant tout de ne pas nuire à l'attractivité de la place de Paris alors que cette dernière, dans le cadre du Brexit, veut attirer les financiers britanniques. Au niveau européen, la TTF promise par Emmanuel Macron est, quant à elle, toujours au point mort.

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Elle n'aura même pas eu le temps de voir le jour. La taxe sur les transactions intrajournalières (opérations d’achat vente d’un titre au cours d’une même journée) – particulièrement spéculatives – a été abrogée par les députés vendredi 20 octobre, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances 2018. Le Premier ministre Édouard Philippe l'avait annoncé dès le mois de juillet. L'objectif : accroître l'attractivité de la place financière de Paris.
Fin juin, la Cour de comptes avait publié une violente charge contre cette mesure alertant sur une possible multiplication des contentieux de la part des investisseurs étrangers. "Si la TTF fonctionne bien, avec un rendement de 947 millions d'euros, la taxe intraday ne fonctionnera pas car il y a des difficultés techniques et nous serions le seul pays européen à l'appliquer au moment où nous sommes en train de faire revenir des emplois (de la finance) à Paris", a justifié le ministre des Finances Bruno Le Maire lors du débat.
2,5 milliards d'euros de recettes en moins
La taxation des transactions intrajournalières devait entrer en vigueur au 1er janvier prochain. Cet élargissement de la TTF avait été voté par l'Assemblée nationale en décembre dernier, contre l'avis du gouvernement. Il aurait permis de récolter jusqu’à 2,5 milliards d'euros supplémentaires par an. Mais ses recettes n’avaient de toute façon même pas été prises en compte dans les prévisions budgétaires de 2017.
Les ONG regrettent cette décision. Elles comptaient sur cette extension de la TTF, dont la moitié est affectée à l'aide au développement, pour que l'aide de la France passe à 0,55 % du PIB en 2022, contre 0,38 aujourd'hui, comme s'y est engagé Emmanuel Macron durant la campagne.
La TTF européenne au point mort
Parallèlement, la taxe sur les transactions financières (TTF) à l'échelle européenne est au point mort. En discussion depuis sept ans, la TTF n’est plus portée que par 10 pays européens (1), dont la France, qui s’accordent sur son principe mais pas sur l’affectation de ses recettes. Le 6 juin dernier, à l'occasion d'une réunion avec la société civile suite à l'annonce de la sortie des États-Unis de l'Accord de Paris, Emmanuel Macron s’était engagé à la faire aboutir très vite, évoquant même un accord d’ici "le mois de juillet 2017". Mais quelques semaines plus tard, au conseil européen du 23 juin, le Président a revu sa copie. Il a expliqué que la taxe verrait difficilement le jour avant la fin des négociations sur le Brexit... prévue en mars 2019 !
En taxant les échanges d’actions et les produits dérivés, la TTF européenne pourrait rapporter 22 milliards d’euros chaque année selon une estimation de la Commission européenne. Cela aurait permis notamment d’aider les pays les plus vulnérables à mener la bataille contre le changement climatique et à s'adapter à ces conséquences.
Les ONG appellent ainsi à affecter au moins 75 % de ses recettes à la solidarité internationale. Dans une tribune (2) publiée le 5 juillet, 52 personnalités internationales de la finance plaident également pour la mise en place de cette taxe sur les transactions financières afin de rééquilibrer "les marchés financiers en rompant avec la mentalité court-termiste qui a contribué à leur instabilité dans nos pays".
Concepcion Alvarez @conce1
(1) France, Allemagne, Belgique, Portugal, Autriche, Slovénie, Grèce, Espagne, Italie, Slovaquie.