Publié le 23 février 2021
ENVIRONNEMENT
Mark Carney dévoile les premières recommandations de sa Task-force pour encadrer le marché des crédits carbone
À l'instar de la task-force sur le climat ou sur la biodiversité, une task-force sur les crédits carbone a vu le jour en septembre dernier, menée par Mark Carney, l'ancien gouverneur de la Banque de France et envoyé spécial de l'ONU sur le climat. Ce groupe de travail vient de rendre ses premières recommandations afin d'encadrer un marché carbone qui est aujourd'hui critiqué de toutes parts et qui peine à se structurer.

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Alors que de plus en plus d’entreprises s’engagent à atteindre la neutralité carbone, notamment grâce à l’achat de crédits carbone, les critiques fusent sur ce mécanisme de compensation accusé par ses détracteurs de "greenwashing". Les entreprises peuvent acheter des crédits de carbone afin de réduire leur empreinte carbone en finançant des projets qui réduisent ou éliminent les émissions, comme le boisement, le développement des énergies renouvelables ou la préservation des zones humides.
Afin d’encadrer ce marché, et le rendre plus "transparent et robuste", Mark Carney, l’ancien gouverneur de la Banque d'Angleterre, envoyé spécial de l’ONU pour l’action climat et conseiller auprès du Premier ministre britannique pour la COP26, a lancé en septembre dernier une task-force sur le marché volontaire des crédits carbone (Taskforce on Scaling Voluntary Carbon Markets, TSVCM). L’initiative, qui émane du secteur privé, regroupe une cinquantaine d'entreprises parmi lesquelles de gros émetteurs comme Shell, Total, Unilever, Easyjet, RWE, BP, Tata Steel ou encore Nestlé.
Un marché pilote en fin d'année
Dans le cadre du forum économique mondial de Davos, les premières recommandations de cette task-force ont été présentées (1). Le groupe de travail préconise notamment de fixer des principes de base pour un crédit carbone, avec un tiers indépendant pour vérifier que les crédits sont cohérents et de haute qualité. En outre, le futur organe de gouvernance devra avoir la capacité d'imposer des garde-fous et de permettre des exclusions pour garantir une qualité suffisante. Un marché pilote pourrait être lancé d’ici la fin de l’année.
"Cela amène les entreprises volontaires dans un système formel", a déclaré Mark Carney, qui a rejeté les accusations de greenwashing. La compensation "est complémentaire aux entreprises qui prennent des mesures pour réduire leurs propres émissions et constitue une pièce du puzzle. Nous avons besoin de ce marché" a-t-il ajouté. Il estime que le volume de crédits carbone, qui représentaient 300 millions de dollars en 2019, pourrait être multiplié par 15 d’ici 2030 et même par 100 d’ici 2050 pour peser respectivement 50 et 100 milliards de dollars.
L’initiative peine à convaincre les ONG environnementales, le marché volontaire ayant fait l'objet de scandales à répétition avec des crédits attribués à des projets qui ne réduisaient pas vraiment le CO2 ou qui étaient comptés deux fois. "Inviter les entreprises les plus polluantes au monde à donner des conseils sur le marché volontaire du carbone revient à demander aux compagnies de tabac de donner des conseils sur l’interdiction de fumer. La crise climatique exige que le monde atteigne le plus tôt possible zéro émission réelle. Cela signifie réduire les émissions maintenant en gardant les énergies fossiles dans le sol et en passant à des sources d'énergies renouvelables", a réagi Anna Vickerstaff, militante britannique de 350.org.
Concepcion Alvarez @conce1
(1) Voir les premières recommandations de la TSVCM