Publié le 31 janvier 2022
ENVIRONNEMENT
Les JO d’hiver de Pékin sont les premiers à dépendre entièrement de neige artificielle
Ce n'est plus si inhabituel d'utiliser de la neige artificielle lors de compétitions internationales, mais les Jeux d'hiver de Pékin, qui débutent vendredi 4 février, seront les premiers à ne dépendre que de canons à neige dans une région réputée pour sa sécheresse hivernale. La Chine, qui promet des jeux "verts", assure que l'impact environnemental sera limité. Elle entend ainsi démontrer son leadership climatique alors que le pays dépend encore très largement du charbon.

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"Organiser des JO dans cette région est une aberration, c'est irresponsable", dénonce la géographe Carmen de Jong, de l'université de Strasbourg. "On pourrait aussi faire les JO sur la Lune ou sur Mars", ironise-t-elle. Pékin est effectivement réputée pour être une région très sèche en hiver où la neige tombe très rarement - ce fut le cas de façon totalement inédite le 20 janvier dernier à deux semaines du coup d’envoi des Jeux. Les montagnes du nord-ouest de la capitale chinoise, où se dérouleront les épreuves, sont désormais bien blanches alors qu'elles restent habituellement désespérément brunes en hiver.
JO Pékin - Les premières images du stade de biathlon
Depuis plusieurs semaines, la préparation des pistes olympiques a débuté et les canons à neige tournent à plein régime, sur ce site de Zhangjiakou...https://t.co/jYpXeWnTjo pic.twitter.com/1fyMbcMnep— Ski - Biathlon - Sports Infos (@SkiNordique_net) December 23, 2021
Ces JO d’hiver seront ainsi les premiers à dépendre entièrement de neige artificielle - même si l'édition précédente de 2018 en Corée du Sud avait dû déjà recourir à environ 90% à de la fausse poudre. 100 générateurs de neige et 300 canons à neige couleur jaune vif soufflent en permanence leurs flocons sur les futures pistes afin de préparer le terrain aux skieurs. Avec un coût pour les ressources en eau estimé à quelques 185 millions de litres pour l'ensemble des sites olympiques, selon une estimation officielle dévoilée en 2019.
Et c’est sans compter sur l’impact à long terme que vont avoir ces JO. Pékin souhaite en effet profiter de l’occasion pour inciter des millions de Chinois à se mettre aux sports d'hiver. Ce qui va forcément accroître la pression sur les ressources en eau dans une région où la pénurie est l'une des plus importantes du pays.
Pékin souhaite démocratiser les sports d'hiver auprès des Chinois
Pékin, qui a promis d’organiser des jeux "verts", fait toutefois valoir que les précipitations naturelles et les eaux de ruissellement recueillies sont utilisées en priorité pour fabriquer la neige artificielle et que l'eau, dénuée de produits chimiques, retournera dans le sol après la fonte. En outre, les canons sont actionnés par de l'électricité d'origine renouvelable. Zhangjiakou, la ville qui co-organise les Jeux à environ 180 km au nord-ouest de Pékin, a installé des éoliennes et des panneaux solaires recouvrent les montagnes avoisinantes.
"Les Jeux d’hiver 2022 constitueront sans aucun doute un spectacle impressionnant, mais ils devraient aussi susciter le débat sur l’avenir des Jeux d’hiver et les limites de la fabrication d’environnements naturels artificiels" souligne un rapport publié le 26 janvier par des chercheurs de l’université anglaise de Loughborough et l’association Protect Our Winters. "Le réchauffement provoqué par les activités humaines menace l’avenir à long terme des sports d’hiver", ajoute le document. Sur les vingt et un sites ayant accueilli des Jeux d’hiver depuis Chamonix en 1924, seuls dix d’ici à 2050 pourraient encore convenir pour accueillir un tel événement, avec des chutes de neige naturelles suffisantes.
Les aciéries tournent au ralenti pour améliorer la qualité de l'air
Pour ce qui est de la pollution, la Chine a fait d’importants efforts afin de garantir un air respirable. Les poêles à charbon ont été remplacés par des systèmes de chauffage électrique ou à gaz dans 25 millions de foyers à Pékin et les régions environnantes. Les aciéries de la région ont quant à elles reçu l'ordre de diviser leur production par deux en août dernier et des dizaines de milliers d'usines ont dû payer des amendes pour dépassement des limites d'émissions polluantes. Pendant les Jeux, 85% des véhicules utilisés rouleront par ailleurs à l'électricité ou à l'hydrogène. Une façon de montrer le leadership du pays qui dépend pourtant encore largement du charbon pour sa production électrique nationale.
Outre les aspects environnementaux, Pékin est aussi pointé du doigt sur la question des droits humains. Plusieurs grandes puissances comme les États-Unis et le Royaume-Uni ont décidé de boycotter diplomatiquement les Jeux en raison de la persécution de la minorité musulmane ouïghoure. Selon Reuters, les athlètes ont été incités à ne pas s’exprimer sur cette question une fois sur place afin d’assurer leur propre sécurité. Les athlètes britanniques et néerlandais ont quant à eux été priés de ne pas emmener leurs appareils personnels, par crainte d’espionnage.
La France, qui a récemment reconnu le génocide des Ouïghours par la Chine, ne boycotte pas les Jeux. Des rassemblements ont été organisés partout dans le pays samedi 29 janvier pour appeler à ce qu'aucun officiel français ne se rende à Pékin. Ces JO vont donc se dérouler dans un contexte particulièrement tendu, accentué par la crise du Covid-19, qui a poussé Pékin à annuler la vente de billets au grand public…
Concepcion Alvarez @conce1