Publié le 19 juin 2017
ENVIRONNEMENT
Salon du Bourget : le secteur aérien embarque pour l'Accord de Paris
[Mis à jour le 19 juin 2017] Coup d'envoi ce lundi 19 juin du 52e salon aéronautique du Bourget. L'occasion de faire le point sur l'empreinte carbone du secteur, le septième plus gros émetteur de CO2 au monde. En octobre dernier, l'aviation civile internationale (OACI) a adopté un système de compensation de ses émissions. Un accord jugé historique par de nombreux observateurs... Se pose désormais la question de son application concrète.

@Salondubourget
Avec le secteur maritime, le secteur aérien était jusqu'à peu le seul à ne pas être couvert par l’Accord de Paris. Septième plus gros émetteur de CO2 avec 2% des émissions mondiales - plus de 20 % en 2050 selon les prévisions -, l’aviation civile internationale était attendue au tournant. Un récent accord doit enfin permettre à cette industrie de réduire ses émissions. Le Salon du Bourget 2017, inauguré par Emmanuel Macron ce lundi 19 juin, est le premier qui portera cet enjeu d'une aviation plus sobre en carbone.
En octobre dernier, les 191 membres de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale), réunis en Assemblée générale à Montréal,ont entériné un mécanisme de compensation des émissions de CO2, baptisé CORSIA. Il doit permettre au secteur d’être "carboneutre" à partir de 2020, c’est-à-dire que la croissance des émissions de CO2 par rapport aux niveaux de 2020 devra être compensée.
Concrètement, les compagnies aériennes pourront acheter des crédits carbone auprès d’autres secteurs, via une bourse d’échange pour compenser leurs émissions. Le système est graduel : il se fera sur une base volontaire de 2021 à 2026 (avec une phase pilote de 2012 à 2013), puis deviendra obligatoire à partir de 2027 et jusqu'en 2035. Les pays les moins développés, les petits États insulaires et les pays enclavés, pesant pour moins de 0,5 % du trafic mondial de passagers, en seront exemptés.
65 pays volontaires à partir de 2021
Parmi les pays volontaires à la première phase du dispositif, on retrouve les pays de l’UE, les États-Unis (pour l'instant), la Chine, le Canada, le Japon, les Émirats Arabes Unis, la Corée du Sud ou encore Singapour… Au total, 65 États participeront. "Ils représentent 87 % de l’activité aérienne internationale, avait précisé Ségolène Royal, alors ministre française de l’Environnement et présidente de la COP21, dans un communiqué. Dès la seconde phase, les États inclus dans le dispositif représenteront plus de 93 % de l’activité aérienne internationale. Ce sont ainsi près de 80% des émissions de CO2 mondiales qui seront couvertes par le dispositif" entre 2021 et 2035.
La Russie et l’Inde ont fait part de leurs réticences à la mise en place d’un tel système. "Bien que ce régime ne soit pas parfait et qu’il sera amélioré au fil du temps, il nous donne une chance de stabiliser d'urgence les émissions provenant de l'aviation civile internationale d'ici à 2020 et il contribuera à donner à mon pays une voie de survie", a réagi Mike Halferty, le ministre des Transports des Îles Marshall, membre de la High Ambition Coalition.
"Signal inquiétant"
Certains observateurs regrettent toutefois que le dispositif repose sur une compensation carbone et non sur un objectif réel de réduction des émissions. L’économiste Maximes Combes rappelle dans une tribune l’échec du mécanisme de compensation carbone mis en œuvre dans le cadre du Protocole de Kyoto (MDP) et estime que "pour assurer une croissance 'neutre en carbone', le dispositif de compensation nécessiterait a minima 3,3 milliards de certificats de réduction d’émissions sur la période 2021-2035 (...), ce qui représente des dizaines de milliards de dollars et une quantité très conséquente de projets à inventer de toutes pièces."
La plupart des ONG estime également que la démarche "manque d’ambition", puisqu’elle ne sera que volontaire jusqu’en 2027, alors qu’elle devait initialement être obligatoire dès 2021. L’ISCA (Coalition internationale pour l'aviation durable), qui regroupe des ONG engagées pour une aviation plus responsable, juge ainsi son contenu "contrasté" : "Les pays ont envoyé un signal inquiétant en supprimant les principales dispositions de la résolution, qui s’alignaient avec les ambitions de l'Accord de Paris de limiter l'élévation de la température mondiale en-dessous de 2°C voire 1,5°C".
Selon le centre de recherche Carbon Brief, les émissions de l'aviation pourraient représenter un quart du budget carbone dont nous disposons d'ici 2050 pour rester en-dessous des 1,5°C. Autre critique : l’accord de l’OACI ne concerne que l’aviation internationale, alors que 40 % des émissions du secteur du transport aérien émanent des vols intérieurs.
Cependant, malgré ses faiblesses, tous les observateurs s’accordent à dire que l’accord est "historique", puisque c’est la première fois qu’un secteur prend des dispositions au niveau mondial pour lutter contre le changement climatique. Par ailleurs, la résolution adoptée prévoit que l’ambition du dispositif pourra être revue tous les trois ans, à partir de 2022, en prenant en compte la croissance projetée des émissions de l’aviation internationale et les objectifs de l’Accord de Paris.